LA CROUTE
L'image, collée au mur, évade l'observateur de sa qualité, vers un paradis utopique, rêvé par son auteur, un créateur de chimères. Je suis un tableau réussit, détenteur d'une beauté artificielle, même subjective. L'ombre fait ma splendeur, éclairée par un clair-obscur ; résultat de ma peinture. Certes d'autres œuvres me rendent modeste, gigantisme du génie, folie du pinceau, violence de la couleur, précision du trait. Les experts intransigeants, impitoyables, mes relèguent au rang de croûte. Et si mon créateur proteste, riposte, encense ma qualité, il se voit traité de charlatan, saltimbanque ou excentrique, élément de l'école des crève-la-faim. Alors ma valeur de son vivant vacille lamentablement, se perd dans le dédale de la déception générale et mon existence chemine dans la marginalité des œuvres défaillantes, dédaignée par la critique, l'indifférence publique.
Suis-je digne de la poubelle ? Mon sort intéresse un homme, mécène, et m'adopte pour m'exposer dans un musée désert, renié par ses pairs. Et je deviens la vedette du néant, le héros que l'on ne connaît pas.
Je suis le grand absent du vernissage, l'oublié des soirées mondaines, la victime de l'anonymat.
Je ne suis pas la "MONA LISA", je n'ai que l'expression figée d'un paysage. Mon insuccès est le fruit de l'ignorance et de l'incompréhension populaire.
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[color="#0000ff"]Alejandro