SOUVENIRS

SOUVENIRS

Le temps m’échappe et j’échappe au temps
Le destin a posé sur ma tête la couronne des ans,
Décor d’épines et de fleurs mélangées :
Quelques restes d’hiver, quelques morceaux d’été.
Au fond de la forêt le ruisseau chante encore.
Les arbres sont bien verts, mais le printemps me mord.
Il me fait si mal que j’en ai du chagrin
Pourquoi donc me reviennent des regrets enfantins ?
La fleurette d’hier est devenue chardon,
Le grand lys des rivières
Prénommé Martagon
Envahit ma clairière
Bien plus que de raison.
Et je pense aux automnes, aux grappes de raisin,
Aux pommes si joufflues, aux têtes de pantins
Que nous sculptions alors dans leur peau de carmin.
Les citrouilles sorcières, les pêches veloutées…
Ainsi la nature nous offrait ses beautés !
Nous autres enfants, baguenaudions dans les champs
En attendant, heureux, le retour du printemps
Alternance d’ombres et de lumières.
Je dépose à vos pieds mes souvenirs d’hier.
L’air est si parfumé, le soleil est si haut
Que je marche pieds nus, j’ai perdu mes sabots.
J’accroche mon destin à l’aile d’un oiseau
Je m’endors alors au milieu des roseaux.
Je vois dans un rêve une douce oasis,
Une île de bonheur, un jardin de délices.
Je suis Eve déchue, partout je cherche Adam
Il n’est pas loin de moi, à l’arrière de mes ans.
Si je suis dans la vie, la poétesse insigne
En dépit de tout je persiste et signe
Les heures noires d’hier qui n’étaient que chagrins
Très souvent, nous annoncent de lumineux matins.

Marie JOLIVAL