Aie une muse belluaire*,
Sinon tu seras dévoré.
Le ciel t’offre un double suaire,
L’un étoilé, l’autre azuré.
Va, revêts-les l’un après l’autre;
Et verse aux hommes, tour à tour,
Justicier sombre ou tendre apôtre,
Tantôt l’ombre et tantôt le jour.
Toute la lyre (10 avril 1876)
Victor Hugo
Bel appétit du cœur joyeux
Faisant le nid de la tendresse,
Éclat de rire en tes deux yeux,
N’oubliez pas, c’est mon adresse.
Savoir verser de la chaleur
Comme un thé blanc venant de Chine,
Brûlant soleil, parfum de fleur,
Rouge foyer de la machine.
Vapeur, fumée et calumet,
Faire la paix avec son âme,
Cueillir le ciel d’un mois de mai,
Filer la vie en belle trame.
Bel échanson d’encre de nuit
Faisant plumier de la tristesse,
Calme du spleen et de l’ennui,
Oubliez-la, c’est mon adresse.
Savoir verser le désespoir
Comme un orage en plein septembre,
Averse fine, appel du soir
Sur les volets clos de la chambre.
Lumière éteinte et premier froid,
Carreau frotté de la fenêtre,
Guetter le chant sourd du noroît*,
Abandonner le fil de l’être.
Savoir chanter histoire, amour,
Ce qui nous fait mourir ou vivre,
Savoir verser l’ombre ou le jour,
Pages, tournez, sur notre livre.
*belluaire : dans l’Antiquité, celui qui combattait contre les bêtes fauves dans les amphithéâtres romains, ou qui était chargé d’entretenir les animaux du cirque. Dompteur de bêtes fauves dans les cirques ou plus spécialement celui qui est chargé de les soigner.
*noroît : direction du nord-ouest; aire de vent correspondante. Par métonymie, vent qui vient de cette direction.
un parcours semé d'embûches.
Amicalement.
hasia