Alors, visible au fond du buisson tout en flamme,
Dieu voulut résumer les charmes de la femme
En un seul, mais qui fût le plus essentiel,
Et mit dans son regard tout l’infini du ciel.
Les Yeux de la Femme – Les Récits et les Élégies – François Coppée – 1878
Tout l’infini du ciel se tient dans ton regard ;
Les frères Montgolfier, du haut de leur nacelle,
Perdus dans ton nuage, auraient un œil hagard.
Quel est ce lourd trésor qu’un ciel libre recèle ?
Va, bulle de papier, plus légère que l’air,
Comme une main d’enfant séduite par la brise,
Livre-nous le secret de la plume d’eider,
De la douceur du vent à tout jamais éprise.
Ô regard qui caresse et l’oie et le canard
Dans l’envol ouaté des oiseaux de nos rêves,
Ivres de tout lointain, de parfum et de nard,
As-tu connu la mer qui tourmente les grèves ?
C’est que dans ton regard est l’infini de l’eau ;
Qu’importe le roman, Némo veut de ton monde,
Le Nautilus est prêt, brillant comme un joyau,
Enchâssé dans l’abime où toute vie abonde.
Qu’importe la fortune à qui se plonge en toi,
Il sait trop que l’abysse est un nom d’aventure ;
On dit que l’Atlantide a bercé le Crétois
Au temps du Minotaure, au temps de sa capture.
Ô regard qui submerge et le fleuve et la mer
Dans le débordement de leur vigueur marine,
Portant à la jetée un goût d’embrun amer,
As-tu connu le sol faisant courber l’échine ?
L’infini de la terre occupe ton regard ;
Il n’est nulle conquête où le fer d’Alexandre
Au moment du pillage eut montré plus d’égard,
De peur que ton palais ne soit poussière et cendre.
Je crois que Bucéphale aurait grimpé tes monts,
Descendu tes vallons, dans une course folle,
Le vent dans la crinière, au jeu de ses démons ;
Pégase a son égal, voyez comme il s’envole !
Ô regard qui convoite et l’or et le vermeil
Des jardins suspendus, orgueil de Babylone,
Perchés jusqu’à la lune et touchant au soleil,
As-tu connu la fièvre au cri de l’amazone ?
C’est que dans ton regard est l’infini du feu ;
Voici que Prométhée a trouvé sa rivale
Pour apporter la flamme, à toute âme, en tout lieu,
Une flamme nourrie à ton cœur de vestale.
Sais-tu Cagliostro, connais-tu le secret
De ce feu sans tourment qui garde la jeunesse,
Pour ignorer la loi, pour tromper le décret
Nous menant à la mort avant que l’on ne naisse ?
Ô regard investi de tous les éléments,
Air, eau, terre ou bien feu, je connais ce mélange
A mener au parjure un homme et ses serments,
Tu forges le démon sur l’établi de l’ange.
Clés de compréhension : En fait, les frères Montgolfier, papetiers de leur état, n’ont jamais pris les airs, mais c’était leur projet. Les aéronautes furent Pilâtre de Rozier, Giroud et D’Arlandes.
Le Minotaure était un monstre fabuleux possédant le corps d’un homme et la tête d’un taureau, enfermé par le roi Minos dans le Labyrinthe, situé au centre de la Crète.
Bucéphale était le cheval d’Alexandre le Grand, compagnon de nombre de ses conquêtes. Pégase, lui, est un cheval ailé mythique, devenu notamment l’un des symboles de la poésie.
Une vestale désigne, dans l’antiquité romaine, une prêtresse de Vesta choisie dès l’enfance dans une famille patricienne, ayant pour mission d’entretenir le feu sacré dans le temple de la déesse et vouée à la chasteté pendant les trente années de ses fonctions.
Le Comte de Cagliostro, également connu sous le nom de Joseph Balsamo était un aventurier qui se prétendait alchimiste et affirmait avoir découvert la pierre philosophale, capable de transmuter les métaux vils en or et de procurer la vie sans fin.
Les Quatre Eléments (l’air, l’eau, la terre, le feu) étaient selon Empédocle (5ème siècle av. n.e) , puis Aristote les constituants essentiels du monde fait de leurs combinaisons.