Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déception et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force.
Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais.
Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C’est de l’autre côté de la vie.
Voyage au bout de la nuit – Louis Ferdinand Céline – 1932
De l’autre côté de la vie
Se dresse un mur inachevé,
Près d’une table desservie ;
Où sont les mets qui font rêver ?
S’il suffisait à nos paupières
De se fermer pour inventer
De l’herbe tendre ou bien des pierres,
Qui ne pourrait être tenté ?
Je ferais monter des images
En fumet de festins de rois,
En vapeur de chaudrons de mages,
En vigne accrochée aux parois.
Car j’achèverais la muraille,
Haute au point de braver le vent ;
Oh, ce vent fou qui vous assaille
Pour vous faire sentir vivant.
De l’autre côté de la vie
Il manquerait ton étendard,
Ce bout d’étoffe à faire envie
Au poète, à l’ange, au soudard.
Si ne flottait que ton absence
A quoi bon muraille et festin ?
Vois-tu ? La chose est sans essence,
La fatalité sans destin.
A quoi peut bien servir le monde
Que l’on créerait les yeux fermés ?
Oh, cette terre jamais ronde,
Où rien de rien ne peut germer.
La pierre est là mais l’herbe tendre
Manquerait au chant de l’oiseau,
Ce chant qui cogne à pierre fendre,
A faire plier le roseau.
De l’autre côté de la vie
Se dresse un mur inachevé,
Près d’une attente inassouvie ;
Où donc es-tu qui fais rêver ?
Poème à méditer.
Amicalement.
hasia