Regarde le soir comme si le jour y devait mourir ; et le matin comme si toute chose naissait.
Que ta vision soit à chaque instant nouvelle. Le sage est celui qui s’étonne de tout.
Les Nourritures Terrestres – André Gide
Ô vision nouvelle, un chant doit se lever
Pareil au gonfalon* montant à la bataille,
Au milieu de hauts cris pour saper la muraille,
Frapper un ordre ancien à jamais achevé.
Que heurte le bélier, que se dresse l’échelle,
Que se verse la poix par les mâchicoulis*,
C’est la dernière garde au pied des éboulis,
Un jour vient de tomber, voici le soir rebelle.
Oui, ce jour était lâche, il nous semblait maudit,
C’était un incapable, un tourmenteur de rêves,
Ses minutes de choix n’ont jamais été brèves
Car le trouvère était frappé de l’interdit.
Ô soir de la régence, un jour nouveau va naître,
Riche de la promesse acquise à l’héritier
De tous ces jours d’avant dont l’unique métier
Est forger le matin s’imposant à chaque être.
Sera-t-il un bon roi le jour qui va venir,
Fera-t-il s’étonner le poète ou le sage ?
J’aime le crépuscule, il nous livre un message :
Songes, venez à nous, le jour peut vous bannir.
*gonfalon : bannière terminée par plusieurs fanons, suspendue à un fer de lance, sous laquelle venaient se ranger les vassaux d’un seigneur en temps de guerre.
*mâchicoulis : galerie à encorbellement établie dans le haut d’un ouvrage de fortification, percée de meurtrières à sa base dans un but défensif (observation de l’ennemi) et offensif (envoi sur l’attaquant de projectiles et de matières brûlantes).