Sur les ailes de la poésie

Away! Away! I will fly to thee,
Not charrioted by Bacchus and his pards,
But on the viewless wings of Poesy.

Ode to a Nightingale

Loin ! Loin ! Je veux voler vers toi,
Non pas emporté par le char de Bacchus* et ses panthères,
Mais sur les ailes invisibles de la Poésie.

Ode à un rossignol – John Keats (1795-1821)

Comment pourrais-je atteindre un cil à ton regard,
Toi qui me lis à peine, en offrande, en aumône,
Toi qui liras ces vers, témoignant de l’égard
Pour un ami perdu de ton cœur amazone,
Comment pourrais-je atteindre un cil à ton regard ?

Dans ton cœur amazone est l’amour des espaces,
Le désir d’étendue et de fuyant galop,
Le besoin d’avancer qui brise les impasses,
Le goût de la lumière, ô surprenant halo !
Dans ton cœur amazone est l’amour des espaces.

Ivresse de Bacchus, soûle du vin des mots,
Emporte-moi si loin, qu’au-dessus de la Terre,
J’en oublierais enfin ses bienfaits et ses maux,
Ô tigre ténébreux, envoutante panthère,
Ivresse de Bacchus, soûle du vin des mots.

Il n’est pas de vrai ciel, si tu n’es pas présente,
Chaque nuage est gris et pleure le Soleil,
La pluie est un silence où la vie est pesante.
Bacchus ! verse ton vin, d’un oubli sans pareil,
Il n’est pas de vrai ciel, si tu n’es pas présente.

Toi qui liras ces vers, crois-tu qu’ils seront tiens ?
Sauras-tu d’un poème enfin être emportée,
Sens-tu vibrer les mots, leur pouvoir tu détiens,
Car les vers sont musique et ton cœur leur portée,
Toi qui liras ces vers, crois-tu qu’ils seront tiens ?

Transport fou de notre âme, ailes de poésie,
Traversant l’étendue, ô ce cheval ailé,
Ce galop sans licol, ce parfum d’ambroisie,
Apprends-nous le secret du charme révélé,
Transport fou de notre âme, ailes de poésie !


*char de Bacchus : Bacchus, dieu de la fête, de la vigne et du vin, père de la tragédie et du théâtre, est souvent représenté sur un char tiré par des tigres et des panthères.