On ne m’atteindra plus, on ne franchira plus ce cercle de lumière. J’appartiens pour toujours au domaine des fées.
La région du cœur – Fernand Dumont (1945)
Je vais tracer pour moi le cercle de lumière
Pour ne plus craindre l’ombre ou le froid de la nuit,
Pour marquer sur le sol le trait d’une frontière.
Je poserai la borne et le repère sacré.
Je tournerai sur moi de l’élan du derviche ;
Tout au fond de mon être, un cercleur est tapi,
Un pur irrationnel, aussi bavard que pi,
Déclinant l'infini sans un chiffre fétiche.
Je déroberai l’aube et son reflet nacré.
Ne touche pas mon cercle, ô démon d’Archimède,
Pythagore es-tu là ? Tout rêve est un compas
Entre les mains du Grec et du Perse et du Mède
Pour tracer le royaume aux portes du trépas,
Ne touche pas mon cercle, ô démon d’Archimède.
A la lune un rayon, au soleil j’en prends trois,
C’est plus qu’il n’en faudrait pour un seul diamètre ,
Mon cercle sera grand, même à l’empan des rois ;
Si la lumière est douce, un infini peut naître,
L’amour en quadrature, en pentacle de feu,
Ressuscitant l’éclat des flammes étouffées,
Célébrant à nouveau l’ancien plaisir du jeu,
Afin de s’introduire au domaine des fées ;
Par l’anneau dessiné, plus rien ne m’atteindra.
Je tracerai pour nous le cercle de lumière
Pour tromper le néant, la mort, le spleen, l’ennui,
Les fées s’amuseront à tracer la frontière…
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