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Chemin d'hiver

Posté par Kelton, 12 janvier 2009 · 423 visite(s)

Sur le chemin qui mène à une grande maison abandonnée au fond du village, par ce matin glacial, je marche lentement. Je ne recherche rien ; c'est juste une promenade matinale, une errance sous forme de glissade, un nauffrage. Il subsite çà et là quelques flaques d'eau gelées, enfantées de la fonte des dernières neige. Je me hasarde parfois à faire craquer ces miroirs éphémères du pied. Le bruit sec de la rupture fait naître en moi une joie passagère ; comme si de ces coquilles brisées pouvaient sortir une frêle entité, une nouvelle vie.

Mais soudain je retiens mon geste. Juste avant d'appuyer, je devine un reflet singulier. Une esquisse crayonnée par le froid et l'eau emprisonnée sous la glace. Je m'agenouille prêt de cette toile d'hiver. Quelle beauté ! La sérénité et l'innocence de l'amour naissant. Le regard apaisant mais palpitant de l'histoire qui commence. Quelques mouvements de tête pour mieux cerner la douceur de ces traits. Comment tant de chaleur peut elle naître de ce cri de l'hiver ? Je reste agenouillé, le froid gagne mes membres, mais mon âme est en feu.

Je ne détourne plus mes yeux. Il faut qu'ils me servent de burin pour graver à jamais cette image dans mon esprit, pour changer mon destin. Que restera t-il de ce portrait demain ? Qui d'autre que moi découvrira la magie de ce chemin ? Je me relève enfin, engourdi et triste d'être arrivé à la fin. Je lève les yeux au ciel pour mieux fixer ensuite une dernière fois l'image froide de la blessure qui s'écrit désormais dans mon coeur. Je recule d'un pas, je m'élance et retombe à pieds joints dans le centre parfait de cet éclat de bonheur.

Non. Je préfère qu'il n'en reste rien. Qu'une image immortelle dans mon esprit chagrin. Sur le chemin qui mène à une grande maison abandonnée au fond du village, par ce matin glacial, je meurs, évidemment.