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Toujours
sur la fin le temps
accélère l'hyperbole
de sa course et blanchit
le paysage linéaire
qui défile
en extraball
Carnation de craie
et de pastels anciens
ce bel et sensible visage
de femme cristallisé
par charisme et par amour
et qui ne tardera plus
à se faner
La beauté de la chair
qui fait place à celle
plus intérieure de l'âme
et l'âge qui les fusionne lentement
dans un ultime flamboiement
Nuances
tantôt tendres et lentes
tantôt vives et rapides
qui se meuvent dans un rythme
parfait où les cris du free
épousent la savante docilité
de Haydn et la nudité
des quatre murs de Cage
à l'extrême portée de la faible lumière
lorsque impuissante et froide
elle pèse sur la nuit
de velours et de poussière
où s'est retirée cette femme
Ces yeux tièdes
presque éteints
qui glissent sans à-coups
sans joie sans tristesse apparente
sur des lettres frivoles
d'un autre temps
mièvres espoirs encore
un peu parfumés d'antan
Bonheurs promis fracassants
et puis contenus qui déroulent
leurs majestueux rubans
sur cette poitrine encore opulente
couverte de batiste et de nacre
et qui se soulève en tremblant
puis déborde avec orgueil
des mains qui la délivrent
et la pétrissent
La grâce du cou
qui avale un sourire
et l'imperceptible paix qui revient
estomper une à une
les rides des yeux
et les veinules des seins
d'albâtre
La délicate tendresse
des hémisphères
de ces paupières mi-closes
de part et d'autre d'un nez
un peu long
un peu aquilin
Toute cette noblesse
tranquille et lente
de beauté un peu blonde
un peu rousse
que n'a jamais étouffée
sa quiétude bourgeoise
Cet érotisme lent
majestueux et suave
qu'exhalent son aura
son immobilité
davantage encor
que son corps vieillissant
devenant de seconde en seconde
son propre symbole
Cette passion
lourde et subtile
dont le paroxysme éclate en silence
dans une insupportable
et infinie douceur
Et l’élégance de cette main
qui se décharne
jour après jour
et qui tente
encore et toujours
de donner un ultime regain de vie
à la beauté de ces seins
pourrissants déjà
de l’intérieur
Ce corps dont l'image se pétrifie
sans qu'en soit altérée la ligne
des formes textiles qui ne peuvent
déjà plus le contenir
OOO
Sous la peau
de papier de riz
se meuvent maintenant
opales émeraudes améthystes
rubis et inquiétantes malachites
Les seins
tressautent en s'écartant
et les lèvres se crispent
presque bleues maintenant
Et l'homme s'approche de la femme
qu'il a tant aimée
d'année en année
et peut-être davantage pour elle-même
que pour étouffer son propre désir
Longtemps
il la sent s'éteindre
et se soustraire à sa vie terrestre
et longtemps s'écoule pour lui
le moment crucial comme ex tempore
de lui étreindre longuement les mains
et tout ce qui se transforme d'elle
Et de lui
De s'oindre le corps
de ses purulences de ses cancers
de son ineffable pourriture
d'emplir sa bouche de cette langue
maintenant grouillante et verte et glauque
d'enfouir encor sa tête en ce ventre
d'un seul coup d'ongle éclaté
et qui bouillonne comme un philtre
de nauséeux parfums
Des griffes de la morte
il lacère sa propre nudité
il déchire profond son propre sexe
il s'arrache avec lenteur ses propres yeux
comme pour s'interdire
toute vision sacrilège
Il s'érige soi-même
en son propre inquisiteur
il enfonce jusqu'à la garde
son sexe rougi entre les mâchoires
de la chose encor femme
et s'émascule en geignant rageusement
dans une explosion
de pourpre et de spasmes
de giclées opalines
Il se vide entièrement
par toutes ses commissures et blessures
il s'étouffe en s'emplissant encor
la bouche d'un sein éclaté
comme un fruit blet
et dont il sent l'aréole de cuir
lui obstruer douloureusement la gorge
Il hurle dans un cri total
cette paix effroyable
qui le tue à son tour
et les bascule tous deux
maintenant mélangés
fusionnés anéantis
dans un monde sans dimension
où seul le Dieu qu'ils aimèrent
plus qu'eux-mêmes encore
se souviendra d'eux
à jamais dans un présent
désormais immobile
