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Conversations obscures
me reviennent lentement
raclements des bottes
glissant sur le jus noirâtre
qui stagne entre les pavés
de porphyre
Remugles de caniveaux
et d’égouts engorgés
jamais assez forts
pour altérer dans les poumons
les parfums pétillants
des pelouses célestes
d'Afghanistan de Colombie
du Népal et d'ailleurs
(Toute une nuit
avec ce Bombay black
vous m’en direz tant Valarino !
Et puis le lendemain
les maux de tête — l'op)
OOO
Les coudes sur le comptoir
gravé d'absences un pied
sur la barre de laiton
la pointe de l'autre posant
sur le plancher et les fesses
pinçant le bord du tabouret
calé sur deux pieds l'étranger
louvoyait entre deux giclées
de Chimay bleue bouchonnée
et trois louches de
A Love Supreme
Remets-nous ça John !
Te gêne pas !
Le miroir du bar
lui montrait ces quatre visages
qui s'étaient redessinés sans effort
dans le capharnaüm de sa mémoire :
Tous quatre écrivaient
d'année en année
des biographies de matriochkas
rencontrées dans le quartier Nord
Le plus âgé
racontait son écriture
le second ses femmes
d'autres femmes
et d'autres encore
Le troisième mijotait
depuis deux décennies
son suicide dans une mise
en scène muette à la Sergheï
Mikhaïlovitch
Et le quatrième
mi-inspiré mi-excédé
ou comme mû par un impérieux besoin
se précipita brusquement dans la rue
sans dire au revoir — il était
2 h 30 du matin ! — et mêla
un peu partout au jus
noir des pavés ses humeurs
son néant et sa
cervelle
« Lahti calibre .32 »
dit le chef des playmobils
de Gotham descendu de son hélico
avec cellule gégène et baignoire
et venu les manches déjà retroussées
interroger tout son monde
OOO
« Softly as in a Morning Sunrise » ?
suggéra l'étranger au barman
qui n’en demandait pas tant
et d'un signe de main
appuyé d’un clin d’œil
il lui fit comprendre
« Rhabille le petit
dans le même costume »
Toujours via le miroir du bar
il observait le remuement
des pois sauteurs maques
glandeurs grenouilles de vitrines
comme haletant dans les pulsations
des gyrophares
La mort vue de près
une fois de plus
faisait glapir comme toujours
les pétroleuses et ressurgir en chœur
tous ces atavismes définitivement
louis-philippards
Margarinesques trombines
boutons scrofules
bubons pustules
cicatrices violacées
de viols assez discrets
aréoles douteuses
cernes tout autant
Frilosités bâillantes
fritesques tignasses teigneuses
consciences ternes d'élastiques poreux
veines et veinules variqueuses
au sang d'aniline
Rats faméliques
hagards tocs mastocs et tors
en rupture à répétition
de croisières et bientôt
mûrs pour la croisade
Les prédicateurs radinent
Naufragés transis
cramponnés haletants
à la longue poutre
noircie du comptoir
Les prédicateurs radinent
Branleurs syndiqués
branlants ébranlés
petits-bourges gauchisants
fâcheux antifachos dépourvus
de la moindre once de moralité
(Mais la merde
que tu combats
camarade
et celle qui te salit
indélébile les doigts
c'est la même camarade
la mêmeuheuh !)
Les prédicateurs radinent
Traumatisés babas
punkitudes avortées
cancéreuses et suppurantes
puantes et sulfureuses
passagères de la tolérance
zéro Ave ! Ave !
Moustachus gnominés
aux os square la journée
et à talons aiguilles la nuit
suicidaires en devenir
assistés sociaux en sursis
ramassis d'hystériques
et cancanières pouffiasses
ravageaques de tous faux âges
bords et couches
traînant à leurs basques
— insomniaques déjà —
chiées de mouflets
cirrhotiques et sans pères
S'agglutinent
nauséeux magmas
de cellulites mentales
couples se font au hasard
des allées et venues
— truffes dilatées
moiteurs rances entrouvertes
impatients reniflements
baves acides avides à vide —
Couples
s'entremêlent
s'entrepapouillent
s'entrelardent
et se défont
tous rimmels et morves confondus
gargouillis spasmes borborygmes
jérémiades hoquets remugles
des crasses du bas de la ville
échos javanais des hauteurs
de la cité
Les prédicateurs radinent
OOO
C'est un vendredi soir
crachineux à foison
d'habituelle entrée
d'hiver et fin de siècle
La socio-culture des illettrés
des soupeurs des nanarphabètes
des grabateux automaudits
chasseurs de saucières
s'en met plein le gilet mité :
Chopes aigrelettes
faisandées tisanes sacchareuses
relents de pissats annonciateurs
d'aurores chlorotiques
repassages de bérézinas gerbées
Et pour ne pas faire demi-mesure
de rut de manque et d'obsession
d'angoisse et de médiocrité clinquante
le cirque remet ça
le lendemain aussi sec
comme chaque week-end
de branle bas au pays tout noir
où règne l'inamovible
loi des petits cochons
cramoisis puis roses :
Tirez-leur la queue
le temps de regarder
l’heure une dernière fois
par acquit de défiance
avant de balancer pour de bon
votre montre
OOO
Clinton on NBC
unbuttons his flies
and under all the living skies
of Amerika shoots his load
in the saxual mouthpeace
of God's blitzed Amerika