la tradition le savait bien,
à peine dans la bouche,
la délicate saveur de l'arbouse
s'évanouit,
dans l'instant,
ta lèvre et ton souffle chaud
effleurant mon visage,
la caresse d'une main
sur ma hanche
ne laissant qu'une trace
furtive
qui s'anéantit en moi,
ride imperceptible sur l'étang,
éclair d'un oiseau sur le ciel gris,
coup de cloche esseulé au matin,
bref soupir,
écho d'un haïku perdu ou rêvé
à son tour, la pulpe du fruit
se défait sur ma langue
comme un sorbet, une bulle
ou la brume du matin,
comme parfois, d'un coup,
la vie ou le bonheur
aussi, on prend toujours
avec espoir et crainte
l'arbouse entre ses doigts,
assuré du plaisir
et de la déception
fruit humble et dédaigné
de l'arbre qui porte en hiver,
en même temps,
ses fleurs sans parfum
et ses baies écarlates,
si étonnantes, si fragiles,
et dont, comme un dernier pied de nez,
il sort un miel presque noir,
et, sans nul doute,
le plus amer du monde