Si je le parle, à coeur de jour, 
Au pays, avec les miens, comme 
Au grand siècle tout gentilhomme 
Le parlait aux abbés de cour, 
C'est... Ains seulement par amour.
Ce français vieillot qu'on dédaigne, 
Il est natif d'un haut Poitou 
Et d'un lointain Paris itou. 
Ces termes, que le chaume enseigne, 
Ce sont des termes de Montaigne.
Le mot local, très clair, s'entend ;
Du puriste il choque l'oreille ;
Malgré tout, comme il s'appareille,
Et comme il s'accorde pourtant 
Avec la parlure d'antan.
L'habitant, diton, baragouine. 
L'habitant patoise ? C'est faux.
Il remet au jour des joyaux 
Qu'incrustent souvent la patine 
Et l'illustre rouille latine.
Oyez le parler du hameau : 
Il coule comme aux goutterelles 
Coulent les sèves naturelles ; 
Il coule aux lèvres comme l'eau 
Des érables au renouveau.
Mais que l'émoi d'un coeur l'anime, 
Ce vieux français, c'est tout chez nous ; 
Sous ses aspects âpres et doux, 
Ce langage simple et sublime, 
C'est toute la patrie intime.
Si le papier le souffre ici, 
Oh ! c'est rapport à la victoire 
Des patriotes de l'histoire ! 
Si je le parle encore ainsi, 
À Dieu, grand'grâce et grand merci !
Durant trois siècles d'affilée, 
La première langue du sol 
A lutté sans peur et sans dol.
Malgré rafale et giboulée, 
L'honneur et le droit l'ont parlée.
Le verbe du clocher natal 
A gardé toute sa puissance, 
Et le vieil esprit de la France 
Poursuit l'ancien chemin royal 
Vers les grands fonds de l'idéal.
 Patrie intime
 
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