Nature, laissemoi me mêler à ta fange, M'enfoncer dans la terre où la racine mange, Où la sève montante est pareille à mon sang. Je suis comme ton monde où fauche le croissant Et sous le baiser dru du soleil qui ruisselle, J'ai le frisson luisant de ton herbe nouvelle. Tes oiseaux sont éclos dans le nid de mon coeur, J'ai dans la chair le goût précis de ta saveur, Je marche à ton pas rond qui tourne dans la sphère, Je suis lourde de glèbe, et la branche légère Me prête sur l'azur son geste aérien. Mon flanc s'appesantit de germes sur le tien. Oh ! laisse que tes fleurs s'élevant des ravines Attachent à mon sein leurs lèvres enfantines Pour prendre part au lait de mes fils nourrissons ; Laisse qu'en regardant la prune des buissons Je sente qu'elle est bleue entre les feuilles blondes D'avoir sucé la vie à ma veine profonde. Personne ne saura comme un fils né de moi M'aura donné le sens de la terre et des bois, Comment ce fruit de chair qui s'enfle de ma sève Met en moi la lueur d'une aube qui se lève Avec tous ses émois de rosée et d'oiseaux, Avec l'étonnement des bourgeons, les réseaux Qui percent sur la feuille ainsi qu'un doux squelette, La corolle qui lisse au jour sa collerette, Et la gousse laineuse où le grain ramassé Ressemble à l'embryon dans la nuit caressé. Enfant, abeille humaine au creux de l'alvéole, Papillon au maillot de chrysalide molle, Astre neuf incrusté sur un mortel azur ! Je suis comme le Dieu au geste bref et dur Qui pour le premier jour façonna les étoiles Et leur donna l'éclair et l'ardeur de ses moelles. Je porte dans mon sein un monde en mouvement Dont ma force a couvé les jeunes pépiements, Qui sentira la mer battre dans ses artères, Qui lèvera son front dans les ombres sévères Et qui, fait du limon du jour et de la nuit, Valsera dans l'éther comme un astre réduit.
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