Ô Nuit plaisante et sereine,
Viens découvrir à nos yeux
Ton beau char qui se pourmène 
Par les campagnes des cieux.
Sors de ta caverne obscure 
Dans le saphir éclatant, 
Pendant qu'en cette verdure
Je vais ton los racontant.
Rallume ta clarté sainte, 
Que le grand Soleil jaloux
Avait par sa flamme éteinte,
Passant à midi sur nous, 
Fais voir ta beauté céleste, 
Digne d'offrande et d'autels, 
Et par qui se manifeste 
Le Ciel aux yeux des mortels.
Or j'aperçois que ton voile 
S'étend dessus l'Orient, 
Méme la première étoile 
Nous montre son oeil riant, 
Les monts, les bois, les vallées. 
Commencent à s'ombrager, 
Pendant qu'aux ondes salées 
Le soleil se va plonger.
Nuit qui pour mon bien retourne, 
Ministre de nos plaisirs, 
Ô belle Nuit où séjourne 
Le sujet de nos désirs, 
Arrête un peu ton voyage, 
Tant que celle que je veux 
Me montre sous ton ombrage 
Le paradis amoureux.
Ô Nuit à jamais utile, 
Nuit douce et pleine d'appâs, 
Sans toi tout serait stérile, 
Et sécherait icibas, 
Ô Nuit seul repos du monde, 
Miroir des feux de làhaut, 
Qui rends la terre féconde 
Avec l'humide et le chaud,
Ô Nuit qu'au jour je préfère 
Par qui notre entendement 
Connut la céleste sphère, 
Son cours et son mouvement, 
Et par la règle commune, 
Tu nous fais voir maintes fois
Le trépas et la fortune
Des laboureurs et des rois.
Nuit agréable et plaisante,
Douce nourrice d'Amour,
Que j'adore et que je vante 
Plus que les rayons du jour, 
Dans ton azur solitaire 
Se modèrent nos langueurs, 
Te rendant la secrétaire 
Des passions de nos coeurs. [...]
Recueil : Amours de Narsize
 
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