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Passiflore

Posté par Loup-de-lune, 31 mai 2018 · 1 100 visite(s)

Passiflore


l'évanouie des négoces
sa grâce célère
passant les centiares s'anonymisant

une tératologie de pervenche
ne sait croître en la roseur immaculée qui nuage

l'escale herbue
ne corrompt d'aucun grappillage
son cinétique gobelin de clair-obscur

la soif n'a pas d'empire
sur les réfléchissements scintillorhéiques

outre-ouranocardie la fortune des pas
à en étoiler l'agenouilloir
où perdre l'exigu des cueillaisons

à travers la limpidité du souffrir
promesse de la chair au retombé de la gaze
les pistils noient leurs clous dans la poussière anémophile
et le tremblé des feuilles graffigne le silence



Loup-de-lune,

 

Le titre nous met sur la voie : "Passiflore" : fleur de la Passion, , avec toute la polysémie du mot "Passion". La passion amoureuse est celle qui me vient à l'esprit , mais l'étymologie réelle de ce mot et quelques éléments du texte nous ramènent  au champ sémantique de la religion ("l'agenouilloir"), comme  de la  souffrance ("limpidité du souffrir"), et  de  la Crucifixion ("leurs clous"). La "soif" elle-même ne fait-elle pas partie de la "Passion " du "Christ" ? D'autres  allusions , cependant, au paganisme ("gobelin") et à la mythologie grecque (le mot "ouranocardie" ne fait-il pas référence à Ouranos ?) demeurent, étrangement, sous-jacentes.

 

Mais ce qui me "passionne" dans vos écrits, en réalité , ce sont les distorsions que vous faites subir aux catégories grammaticales : le substantif "nuage" devient un verbe, et le verbe "souffrir" devient un substantif, des participes passés deviennent des  substantifs ("au retombé", "le tremblé") . Il y a là une "liberté grande" (dirait Julien  Gracq) qui est le privilège,  l'attribut majeur de la poétesse que vous êtes, aussi importante qu'un sceptre dans la main d'une Reine.

 

Michel  Conrad

Loup-de-lune,
 
Le titre nous met sur la voie : "Passiflore" : fleur de la Passion, , avec toute la polysémie du mot "Passion". La passion amoureuse est celle qui me vient à l'esprit , mais l'étymologie réelle de ce mot et quelques éléments du texte nous ramènent  au champ sémantique de la religion ("l'agenouilloir"), comme  de la  souffrance ("limpidité du souffrir"), et  de  la Crucifixion ("leurs clous"). La "soif" elle-même ne fait-elle pas partie de la "Passion " du "Christ" ? D'autres  allusions , cependant, au paganisme ("gobelin") et à la mythologie grecque (le mot "ouranocardie" ne fait-il pas référence à Ouranos ?) demeurent, étrangement, sous-jacentes.
 
Mais ce qui me "passionne" dans vos écrits, en réalité , ce sont les distorsions que vous faites subir aux catégories grammaticales : le substantif "nuage" devient un verbe, et le verbe "souffrir" devient un substantif, des participes passés deviennent des  substantifs ("au retombé", "le tremblé") . Il y a là une "liberté grande" (dirait Julien  Gracq) qui est le privilège,  l'attribut majeur de la poétesse que vous êtes, aussi importante qu'un sceptre dans la main d'une Reine.
 
Michel  Conrad



... Passiflore... peut-être bien le nom que reçoit "l'évanouie des négoces", après long temps d'errance, long temps de quête, à l'instant de la plus haute, de la plus édifiante faiblesse... Il y a le nom que l'on nous impose et il y a le nom que l'on acquiert, quintessence de l'accomplissement... Passiflore... peut-être... Il est bon que chaque mot garde sa part de mystère...

... je ne peux m'empêcher parfois de penser que les religions ont comme fait main basse sur certains mots et leur donnent un air de... séquestrés ! ... J'aime tant essayer de les délivrer... de les retremper dans ce bain de "Liberté grande" si chère à Julien Gracq, et que vous mentionnez... Rêvons un instant au voyage nouveau auquel nous invite, par exemple, la musique du mot "agenouilloir" ainsi distancée de sa connotation religieuse... Et précisément "les pistils noient leurs clous dans la poussière anémophile"... comme une pulvérisation pollinique des vieux symboles...

... quant au mot "gobelin", il désigne une tapisserie provenant de la manufacture des Gobelins, très active dans la seconde moitié du dix-septième siècle, et recevant son nom d'un quartier de Paris... oui... tel un gobelin, cet instant d'ombres et de lumières frémissantes sur l'herbe... et sa beauté fantastique ne sera pas entamée par la souffrante... puisque sa nourriture ne peut plus participer de ce fruitier-là...

Avec ma gratitude...

Loup-de-lune

...Chère Loup-de-lune,

 

D'abord, vous remercier pour votre si beau et si profond poème...

 

Vous dire ensuite mon enthousiasme pour la forme si symbiotique avec le sujet, si innovante et inventive...comme au travers de ces extraordinaires trouvailles " les réfléchissements scintillorhéiques" ou "outre-ouranocardie" qui ouvrent une telle profondeur de champ...

 

Vous dire surtout l'émotion quant au fond...la passiflore...la référence christique est inévitable et l'on touche là sans doute au plus grand des mystères...et que l'on soit croyants ou non, combien il nous rejoint en celui de notre humanité souffrante...

 

 

Je m'attarde sur la dernière strophe:

"la promesse de la chair au retombé de la gaze" me parle de résurrection...

le vers suivant me parle de vie et d'amour au travers de la semence...

et dans celui-ci "le tremblé des feuilles graffigne le silence", je vois comme un labour...

 

 

Et puis, je lis et je relis votre poème et je l'écoute encore...ai-je tort de l'entendre résonner comme une question?

 

 

Avec mon amitié et ma très grande admiration,

 

Silver

...Chère Loup-de-lune,
 
D'abord, vous remercier pour votre si beau et si profond poème...
 
Vous dire ensuite mon enthousiasme pour la forme si symbiotique avec le sujet, si innovante et inventive...comme au travers de ces extraordinaires trouvailles " les réfléchissements scintillorhéiques" ou "outre-ouranocardie" qui ouvrent une telle profondeur de champ...
 
Vous dire surtout l'émotion quant au fond...la passiflore...la référence christique est inévitable et l'on touche là sans doute au plus grand des mystères...et que l'on soit croyants ou non, combien il nous rejoint en celui de notre humanité souffrante...
 
 
Je m'attarde sur la dernière strophe:
"la promesse de la chair au retombé de la gaze" me parle de résurrection...
le vers suivant me parle de vie et d'amour au travers de la semence...
et dans celui-ci "le tremblé des feuilles graffigne le silence", je vois comme un labour...
 
 
Et puis, je lis et je relis votre poème et je l'écoute encore...ai-je tort de l'entendre résonner comme une question?
 
 
Avec mon amitié et ma très grande admiration,
 
Silver



... véritablement, il est de ces soirs sur la Terre où l'on s'abandonnait déjà à l'évidence du sombre, mais que viennent pourtant traverser, comme un pur sursis de jour, des paroles de la nature de celles que vous m'offrez ici...

... Vous n'avez en aucune manière tort "d'entendre ainsi résonner comme une question"... Peu de poèmes, je pense, sont des réponses... alors leur nature plutôt didactique les rapproche davantage de la rhétorique ou du discours, que des fascinantes limbes de la poésie... Savoir que l'on ne sait pas, et de poème en poème, éprouver la grâce d'interroger...

... interroger "le mystère de la souffrance"... avec des mots "innovants" qui essaient d'en refléter la musique... Et je pense à cette image de la mosaïque... Ce que nous appelons malheur ou douleur ressemble à une tesselle, une pièce, un élément appartenant à un ensemble vaste et prodigieux qui nous est dérobé... Si nous pouvions voir le tout, nous serions éblouis de la place insoupçonnée qu'y reçoit l'élément...
... Alors, il me paraît, chère Silver, que la poésie a le pouvoir d'éclairer quelque chose, même infime, qu'importe, des tesselles voisines...

Je vous remercie avec beaucoup d'émotion... Je ressens dans vos propres poèmes un tel questionnement, ce pas, tout à la fois humble et sidéral, sur la mosaïque de l'inconnu...

Loup-de-lune

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