Murmures
Marcher dans un musée, c’est visiter le monde
Tel que d’autres l’ont vu, vécu et ressenti,
Voir d’autres univers, des rêves infinis
Où formes et couleurs se lient et se confondent.
Je remarquais d’abord une jeune princesse
Dont le visage d’ange attira mon regard,
Et qui me murmura en me prenant à part
Pourquoi un homme avait dessiné sa jeunesse :
« Il était fou de moi, moi sa simple servante,
Il voulait que je sois son tableau le plus beau.
Alors je pris la pose, et lui pris ses pinceaux
Pour donner une image à sa passion brûlante.
Aujourd’hui il est mort depuis bien des années,
Mais moi je reste ici dans ce cadre de bois,
Et il ne reste plus du charme d’autrefois
Qu’une triste langueur aux couleurs estompées. »
Un peu plus loin, je vis, dans une plaine immense,
Un grand champ de bataille ou gisait un soldat,
Qui me dit au milieu du fracas du combat
Ce qu’en ce lieu perdu était son existence :
« Je vis dans un tableau aux bords trop éloignés,
Mon teint est craquelé, mes vêtements sont fades,
Et tout autour de moi, le bruit des canonnades
M’englobe et m'assourdi de son cri enragé.
Mon avenir est noir des fumées des canons,
Mon uniforme est taché de sang et de terre,
Mais mon esprit voyage en d’autres atmosphères,
Et mon cœur bat plus fort loin de cet horizon. »
A côté, une ancêtre accablée par les âges
Poussant une charrue traînée par un baudet,
Me dit en haletant de sous son vieux béret
Le lourd poids des années qui grippe ses rouages :
« Je suis lasse de vivre des jours sans couleurs.
Le soc aigu du temps creuse mes traits livides,
Tranche ma face blême et sillonne mes rides,
Racle ma chaire aride et fauche ma vigueur.
Je suis comme ma terre, inféconde et stérile,
Chaque jour, le travail m’éreinte et me détruit ;
Mais je sais qu’au-delà, ma conscience s’enfuit
Vers un monde paisible, agréable et fertile »
Juste avant de sortir, dans un sombre recoin,
Un auguste prélat, austère et vénérable,
Arborant un visage aux traits indéchiffrables,
Attira de son œil mon regard vers le sien
Et me dit : « Vois-les donc, ces tristes figurants,
Autrefois bien vivants, animés et rieurs,
Dont un génie humain a ravi les couleurs,
En les emprisonnant sous un vernis brillant.
Vois-les, toi, homme libre au regard aspiré
Par tous ces tourbillons de formes et de teintes,
Observe l’héritage en ces toiles bien peintes
D’un monde que tu vois et qui t’est étranger.
Dis-toi que pour ces gens, pour tous ces personnages,
Le monde se limite à leur propre décor,
Et que tous ils t’envient et rêvent de ton sort,
Car leur propre univers n’est qu’une morne cage.
Sache les écouter, ces défunts qui murmurent ;
Sache comment leurs vies prisonnières du temps,
Au-delà du trépas et par delà les ans,
Continue à brûler depuis leurs sépultures,
Et sache que ces morts, isolés dans leurs toiles,
Rêvent tous à ton monde inouï, merveilleux,
Qu’au-delà du regard pétrifié de leurs yeux,
Ils songent en secret aux lointaines étoiles ».
Marcher dans un musée, c’est visiter le monde
Tel que d’autres l’ont vu, vécu et ressenti,
Voir d’autres univers, des rêves infinis
Où formes et couleurs se lient et se confondent.
Je remarquais d’abord une jeune princesse
Dont le visage d’ange attira mon regard,
Et qui me murmura en me prenant à part
Pourquoi un homme avait dessiné sa jeunesse :
« Il était fou de moi, moi sa simple servante,
Il voulait que je sois son tableau le plus beau.
Alors je pris la pose, et lui pris ses pinceaux
Pour donner une image à sa passion brûlante.
Aujourd’hui il est mort depuis bien des années,
Mais moi je reste ici dans ce cadre de bois,
Et il ne reste plus du charme d’autrefois
Qu’une triste langueur aux couleurs estompées. »
Un peu plus loin, je vis, dans une plaine immense,
Un grand champ de bataille ou gisait un soldat,
Qui me dit au milieu du fracas du combat
Ce qu’en ce lieu perdu était son existence :
« Je vis dans un tableau aux bords trop éloignés,
Mon teint est craquelé, mes vêtements sont fades,
Et tout autour de moi, le bruit des canonnades
M’englobe et m'assourdi de son cri enragé.
Mon avenir est noir des fumées des canons,
Mon uniforme est taché de sang et de terre,
Mais mon esprit voyage en d’autres atmosphères,
Et mon cœur bat plus fort loin de cet horizon. »
A côté, une ancêtre accablée par les âges
Poussant une charrue traînée par un baudet,
Me dit en haletant de sous son vieux béret
Le lourd poids des années qui grippe ses rouages :
« Je suis lasse de vivre des jours sans couleurs.
Le soc aigu du temps creuse mes traits livides,
Tranche ma face blême et sillonne mes rides,
Racle ma chaire aride et fauche ma vigueur.
Je suis comme ma terre, inféconde et stérile,
Chaque jour, le travail m’éreinte et me détruit ;
Mais je sais qu’au-delà, ma conscience s’enfuit
Vers un monde paisible, agréable et fertile »
Juste avant de sortir, dans un sombre recoin,
Un auguste prélat, austère et vénérable,
Arborant un visage aux traits indéchiffrables,
Attira de son œil mon regard vers le sien
Et me dit : « Vois-les donc, ces tristes figurants,
Autrefois bien vivants, animés et rieurs,
Dont un génie humain a ravi les couleurs,
En les emprisonnant sous un vernis brillant.
Vois-les, toi, homme libre au regard aspiré
Par tous ces tourbillons de formes et de teintes,
Observe l’héritage en ces toiles bien peintes
D’un monde que tu vois et qui t’est étranger.
Dis-toi que pour ces gens, pour tous ces personnages,
Le monde se limite à leur propre décor,
Et que tous ils t’envient et rêvent de ton sort,
Car leur propre univers n’est qu’une morne cage.
Sache les écouter, ces défunts qui murmurent ;
Sache comment leurs vies prisonnières du temps,
Au-delà du trépas et par delà les ans,
Continue à brûler depuis leurs sépultures,
Et sache que ces morts, isolés dans leurs toiles,
Rêvent tous à ton monde inouï, merveilleux,
Qu’au-delà du regard pétrifié de leurs yeux,
Ils songent en secret aux lointaines étoiles ».
voilà un beau tableau
votre poème un songe