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Dans le civil absolu
c'est une madone paraît-il
mais quand dans l'aigreur des aurores
fatigue et spleen s'insinuent
et la font doucement pleurer
nul quidam nul errant
ou noctambule ne la trouvent
belle encore
Ils ont mal aux yeux
et passent leur chemin
emportant un peu chaque fois
de ce qu'il reste de son aura
là où s'émoussent tous les tranchants
et se relâchent les dernières trames
Son pas à elle est tantôt vif
tantôt plus hésitant
comme fataliste
et ses talons aiguilles
sonnent faux même lorsqu'elle
franchit la passerelle nord
vers l'immensité froide
des suburbs
Elle traverse le grondement
encor du tout premier
convoi de marchandises
qui vient de s'ébranler
mi-serpent mi-dragon
repu de nuit de cambouis
de graisse et de crasse
et qui achemine
Dieu sait quoi
Dieu sait où
vers les bassins peu connus
de la frontière ou les prétendues
cités souterraines des vastes
territoires des glaces
C'est une heure
où les ténors asexués
les magiciens perclus
les rares acrobates
à avoir survécu
peuvent tout à loisir
se muer en hardis avaleurs
de sabres
Une heure encore
où les proxos enfin
bien installés bien endurcis
font de leurs fameux bordels d'Etat
ni plus ni moins que
des macrocosmes
Ici l'oubli est un mille-pattes
que rien ne parviendrait à enrouler
Pour peu l'on entendrait
les ricanements célestes
chaque fois que les intelligentsias
déconnent
Ici Snow-White
a de gros nains
qu'elle exhibe volontiers
et loue à tous ceux
qui savent apprécier
pleinement leur savoir-
plaire
Et moi l'apprenti errant
en perpétuelle quête
d'inspiration je tire sur
mon temps de flânerie
obligatoire et quotidienne
Et je ne sais
rien de plus beau
par n'importe quel matin
d'été d'hiver ou de pluie
qu'une foule d'anonymes
cravachant vers leur labeur
au plus grouillant de l'heure de pointe
Ca fait rire aussi
mon poisson rouge
à qui j'ai appris à fumer
en deux ou trois langues
OOO
Soubresauts
écran s'allume
cabriolet bleu turquoise
s'arrête devant la vitrine
souillée d'index et de pouces
passages sirènes voitures
bondissantes flics et panique
Une main s'agite hystérique
et derrière la porte battante
une ombre en demi-lune
et furtive la main à nouveau
qui réapparaît et disparaît
à trois ou quatre reprises
s'agite à nouveau
Une fille débraillée
mauve et sucrée
chuchote un monologue
haché de faux reproches
Attendrissement aussi
et rire plus gras
sans aucune méchanceté
derrière un costume de flanelle
grise un peu fripée oui oui
o.k. d'accord klaxons sifflets
sonnette tramway-chocolat
tangue et roule sur le jeu
de ses rails
La courbe maintenant
entre le fouillis du parc des
Glorieuses-Journées-de-Sep-
tembre et le Central Trust
des Eglises d'État
Une boule
de papier jaune citron qui
roule au caniveau curé
tôt matin tables pliantes
des colporteurs rêveurs
herbes chairs racornies
talismans sortilèges reliques
dégoulinements de fards
de poudres et de khôls
sur la belle gorge un peu
grasse et qui halète
Et la madone sans même
se déchausser a regagné
son piédestal de mousse
et de pierre et se masse
longuement les reins
et les flancs et chacune
de ses fesses de velours
qui porte sans que personne
le sache tatouée et grande
ouverte une main
noire