Alors que nous étions aux champs,
Nous vîmes arriver les méchants.
Ils sont venus escortés par des militaires,
Avec un ordre de je ne sais quel ministère.
Ils demandèrent les noms des propriétaires,
Puis leur ordonnèrent de quitter leur bout de terre.
Leur forfaiture accomplie, avant de nous faire partir
Ils ont pris la précaution de nous faire taire
En exécutant de sang-froid, les plus réfractaires.
Des jeunes, sans doute des paysans, semblaient compatir.
Mal leur en prit : un coup de crosse bien ajusté
Pour les endurcir comme leur salaud de supérieur,
Et les voilà à terre, recroquevillés et ensanglantés.
Face à cette sauvagerie, nous étions furieux à l'intérieur
Mais nous demeurions spectateurs impuissants
Face à l'acier des fusils braqués contre nos poitrails.
Les provocations des gradés nous fouettent jusqu'au sang.
Nous n'avons que nos mains vides pour répondre à la canaille.
Nous voilà sur le sentier, encadrés par cette collection d'infâmes.
Ils nous ont laissé juste le temps de ramasser quelques affaires.
Nous voilà sur la route, avec nos ballots, nos enfants et nos femmes.
Chemin faisant, nous étions hantés par ce qu'ils allaient nous faire.
Nous pensions tous à nos terrains ; à nos cultures et à nos fermes.
Nous pensions à nos bêtes et surtout à celles qui étaient à terme.
Nous pensions ne plus revoir ces champs que nous avions débroussaillés ;
Ces petits bouts de champs qui étaient notre fierté et notre seule richesse.
Nous avancions dans l'inconnu, les coudes serrés et par la peur tenaillés.
Nous avions tous pitié des hommes aux fusils mais espérions sans cesse
Que nos remplaçants seraient de pauvres paysans comme nous, sans fiel
Et qu'ils aimeraient comme nous, chaque parcelle de notre terre ;
Chaque arbre ; chaque filet d'eau de nos prés ; chaque oiseau de notre ciel ;
Chacune des bêtes dont nous prenions soin en respectant son caractère.
Fin.
Mahdaoui Abderraouf.
Le 26 Septembre 2006