Il est inéluctable
Que les choses qui naissent
Par mourir finissent.
On pourra lutter contre le vent,
Contre les eaux, contre les cieux, contre le temps,
Nécessaire résistance, et l'échec.
Il est inéluctable
Que les amours trépassent ;
Mais la chair – non, la chair n’oublie pas.
Il est inéluctable
Que le souvenir périsse,
Que notre cervelle débile
Jette comme poussière inutile
L’encombrement qui la salit ;
En attendant dans la fournaise
Le soir plus frais,
Une ligne efface, puis une autre,
De la fable de nos courtes vies.
Cervelle débile, dis-je,
Mais la chair n’oublie pas.
Des mélodies nouvelles
Brouillent mon fredonnement ;
Des chants interférés
Brouillent mon entendement ;
Les goûts, les odeurs
S’entremêlent dans ma mémoire.
Ils ressurgissent comme un écho,
Inextricables, inexpliqués.
Je regarde ma main et c’est un songe ;
Par quelle magie pianotent-ils encor
L’amour, mes doigts.
Perdre les mots, quand on a encor la voix…
Perdre un membre, en perdre l’usage,
Perdre le cœur…
Perdre tout, et renaître.
Perdre tout, et mourir.
Devenir sourd, devenir aveugle,
S’éveiller un matin, la tête sur le lino,
Amnésique, dans le couloir…
Il me semble que mes doigts sauraient encor,
Sauraient encor ta peau ;
Car ma chair n’oublie pas.
Comme à l'ordinaire, je suis friand de critiques. Ce poème trainait dans mon carnet depuis disons une semaine, mais je ne parvenais pas à lui trouver un rythme – trop d'idées éparses, trop d'angles d'attaque. Je n'ai pas vraiment résolu l'affaire, mais je trouve que cette avancée par à -coups a quelque chose d'assez mélancolique. Chaque effet rythmique est de nature à emporter la lecture, et puis tout de suite il est brisé par le rythme suivant. J'ai le sentiment que cela donne à se poser.
Ce dont je doute le plus c'est de ce matraquage de perdre qui me semble peut-être artificiel. Mais il me semble également qu'il amène bien la chute.