Aller au contenu

Photo

... mais la chair n'oublie pas.


  • Veuillez vous connecter pour répondre
11 réponses à ce sujet

#1 Noctis

Noctis

    Tlpsien +++

  • Membre
  • PipPipPipPip
  • 501 messages

Posté 13 juin 2008 - 03:22

Ainsi que l'on sait, je n'ai guère de cœur à commenter. Je m'y essaie, alors peut-être trouverai-je une formule un de ces soirs. Permettez, en guise de témoignage, que je vous livre un de mes rares griffonnages de ces jours-ci.




Il est inéluctable
Que les choses qui naissent
Par mourir finissent.
On pourra lutter contre le vent,
Contre les eaux, contre les cieux, contre le temps,
Nécessaire résistance, et l'échec.
Il est inéluctable
Que les amours trépassent ;
Mais la chair – non, la chair n’oublie pas.

Il est inéluctable
Que le souvenir périsse,
Que notre cervelle débile
Jette comme poussière inutile
L’encombrement qui la salit ;
En attendant dans la fournaise
Le soir plus frais,
Une ligne efface, puis une autre,
De la fable de nos courtes vies.
Cervelle débile, dis-je,
Mais la chair n’oublie pas.

Des mélodies nouvelles
Brouillent mon fredonnement ;
Des chants interférés
Brouillent mon entendement ;
Les goûts, les odeurs
S’entremêlent dans ma mémoire.
Ils ressurgissent comme un écho,
Inextricables, inexpliqués.
Je regarde ma main et c’est un songe ;
Par quelle magie pianotent-ils encor
L’amour, mes doigts.

Perdre les mots, quand on a encor la voix…
Perdre un membre, en perdre l’usage,
Perdre le cœur…
Perdre tout, et renaître.
Perdre tout, et mourir.
Devenir sourd, devenir aveugle,
S’éveiller un matin, la tête sur le lino,
Amnésique, dans le couloir…
Il me semble que mes doigts sauraient encor,
Sauraient encor ta peau ;
Car ma chair n’oublie pas.






Comme à l'ordinaire, je suis friand de critiques. Ce poème trainait dans mon carnet depuis disons une semaine, mais je ne parvenais pas à lui trouver un rythme – trop d'idées éparses, trop d'angles d'attaque. Je n'ai pas vraiment résolu l'affaire, mais je trouve que cette avancée par à-coups a quelque chose d'assez mélancolique. Chaque effet rythmique est de nature à emporter la lecture, et puis tout de suite il est brisé par le rythme suivant. J'ai le sentiment que cela donne à se poser.
Ce dont je doute le plus c'est de ce matraquage de
perdre qui me semble peut-être artificiel. Mais il me semble également qu'il amène bien la chute.


#2 Paname

Paname

    Tlpsien +++

  • Membre
  • PipPipPipPip
  • 8 284 messages

Posté 13 juin 2008 - 05:40

Comme à l'ordinaire, je suis friand de critiques. Ce poème trainait dans mon carnet depuis disons une semaine, mais je ne parvenais pas à lui trouver un rythme – trop d'idées éparses, trop d'angles d'attaque. Je n'ai pas vraiment résolu l'affaire, mais je trouve que cette avancée par à-coups a quelque chose d'assez mélancolique. Chaque effet rythmique est de nature à emporter la lecture, et puis tout de suite il est brisé par le rythme suivant. J'ai le sentiment que cela donne à se poser.
Ce dont je doute le plus c'est de ce matraquage de
perdre qui me semble peut-être artificiel. Mais il me semble également qu'il amène bien la chute.[/size]


c'est tout nouveau
Noctis vient de nous le sortir

il publie un texte
mais il publie aussi le commentaire !

tu sais, comme quand tu vas voir un polar
et que le copain croyant bien faire
te raconte avant toute l'histoire
qu'"il amène bien la chute", tu vois...

toi, t'aurais encore envie d'aller au cinéma ?

#3 Elbonerg

Elbonerg

    Tlpsien +

  • Membre
  • PipPip
  • 13 messages

Posté 13 juin 2008 - 06:40

Pas tellement de chose à redire, je suis plutôt en accord avec le fond.
Par contre, la forme m'a gêné ici :

Il est inéluctable
Que les choses qui naissent
Par mourir finissent.

J'aurais trouvé cela plus beau si l'inversion n'existait pas, comme ceci :

Il est inéluctable
Que les choses qui naissent
Finissent par mourir.

Mais ce n'est sûrement qu'un détail, et je suis sans doute trop pointilleux, car au fond, ça ne change rien à la teneur de l'ensemble.

Elbo

#4 Noctis

Noctis

    Tlpsien +++

  • Membre
  • PipPipPipPip
  • 501 messages

Posté 13 juin 2008 - 08:02

Bonsoir Elbonerg,
Bonne remarque, j'y réfléchissais aussi. L'inversion est volontaire, d'abord pour l'assonance, et puis pour éviter d'écrire "finir par mourir" que je trouve trop banal et sans saveur.

Héhé Paname, je vais toujours au cinéma seul. Essentiellement parce que je suis trop bavard.

Mais hum non j'ai publié trop vite ce poème, trop de passages me déplaisent.
Il faut que je change Nécessaire résistance, et l'échec

et
Des mélodies nouvelles
Brouillent mon fredonnement ;
Des chants interférés
Brouillent mon entendement ;

c'est assez minable. A réfléchir.

#5 serioscal

serioscal

    Serialismo Rigoroso

  • Membre
  • PipPipPipPip
  • 9 961 messages
  • Une phrase ::All series are not red. But some are. They burn-speak.

Posté 13 juin 2008 - 08:06

La dernière strophe est plus faible que les autres, pas tellement à cause de la répétititon des pertes, à cause plutôt (à mon goût) de la fin, qui n'avait pas besoin d'être dites. Mais, là aussi comme Elbonerg, je juge mineurs ces petits défauts par rapport à une expression très forte, où le rythme précisément a l'allure du régulier dans une complète liberté. Il y a là du soin et pas d'afféterie. L'image qui donne le titre est belle et juste. Pour l'inversion des premiers vers, elle ne me gêne pas tant que ça. Elle participe de l'énonciation du poème, je n'arrive pas à y voir un de ces archaïsmes pesants qu'on peut hélas parfois rencontrer, malgré l'encor dénué d'e qui lui ne me paraît pas absolument essentiel.

J'allais oublier un détail d'importance : j'ai beaucoup apprécié les commentaires qui accompagnent le poème.

#6 Invité_Oghamm_*

Invité_Oghamm_*
  • Invité

Posté 13 juin 2008 - 08:57

Je ne sais comme vous décortiquer chaque mot,
j'aime aimé la musique de cette poésie.


#7 Noctis

Noctis

    Tlpsien +++

  • Membre
  • PipPipPipPip
  • 501 messages

Posté 13 juin 2008 - 09:51

Ah oui Sérioscal, je suis d'accord ! Je n'avais pas vu cette fin assez lourde, elle me paraissait évidente. Et j'ai déjà une meilleure formule, héhé !

Merci Oghamm de votre lecture. Que vous aimiez me fait vraiment plaisir.


Mise à jour.


Il est inéluctable
Que les choses qui naissent
Par mourir finissent.
On pourra lutter contre le vent,
Contre les cieux, contre le temps ;
La nécessaire résistance, et l’échec.
Il est inéluctable
Que les amours trépassent ;
Mais la chair – non, la chair n’oublie pas.

Il est inéluctable
Que le souvenir périsse,
Que notre cervelle débile
Jette comme poussière inutile
L’encombrement qui la salit ;
En attendant dans la fournaise
Le soir plus frais,
Une ligne efface, puis une autre,
De la fable de nos courtes vies.
Cervelle débile, dis-je,
Mais la chair n’oublie pas.

Des mélodies nouvelles
Brouillent mon fredonnement ;
Les goûts, les odeurs
S’entremêlent dans ma mémoire.
Ils ressurgissent comme un écho,
Inextricables, inexpliqués.
Je regarde ma main et c’est un songe ;
Par quelle magie pianotent-ils encor
L’amour, mes doigts ?

Quand on a encor la voix, perdre les mots.
En perdre l’usage, perdre un membre,
Perdre le cœur…
Perdre tout, et renaître.
Perdre tout, et mourir.
Devenir sourd, devenir aveugle,
S’éveiller un matin, la tête sur le lino,
Amnésique, dans le couloir…
Il me semble que mes doigts
Encor sauraient ta peau ;
Car ma chair n’oublie pas.



#8 The Child

The Child

    Tlpsien +++

  • En cours de validation
  • PipPipPipPip
  • 2 481 messages

Posté 14 juin 2008 - 07:18

sois simple et tout ira mieux!

#9 Noctis

Noctis

    Tlpsien +++

  • Membre
  • PipPipPipPip
  • 501 messages

Posté 14 juin 2008 - 08:19

Oui, j'ai aussi souvent songé à me faire trépaner.
Cela dit, quand on n'est pas satisfait de ce qu'on écrit, comment faire pour être simple et donc faire mieux ? Mon réflexe, somme toute logique me semble-t-il, est de chercher ce qui est perfectible et comment le perfectionner.

#10 claricorne

claricorne

    Tlpsien +++

  • Membre
  • PipPipPipPip
  • 9 099 messages

Posté 15 juin 2008 - 08:12

Ainsi que l'on sait, je n'ai guère de cœur à commenter. Je m'y essaie, alors peut-être trouverai-je une formule un de ces soirs. Permettez, en guise de témoignage, que je vous livre un de mes rares griffonnages de ces jours-ci.




Il est inéluctable
Que les choses qui naissent
Par mourir finissent.
On pourra lutter contre le vent,
Contre les eaux, contre les cieux, contre le temps,
Nécessaire résistance, et l'échec.
Il est inéluctable
Que les amours trépassent ;
Mais la chair – non, la chair n’oublie pas.

Il est inéluctable
Que le souvenir périsse,
Que notre cervelle débile
Jette comme poussière inutile
L’encombrement qui la salit ;
En attendant dans la fournaise
Le soir plus frais,
Une ligne efface, puis une autre,
De la fable de nos courtes vies.
Cervelle débile, dis-je,
Mais la chair n’oublie pas.

Des mélodies nouvelles
Brouillent mon fredonnement ;
Des chants interférés
Brouillent mon entendement ;
Les goûts, les odeurs
S’entremêlent dans ma mémoire.
Ils ressurgissent comme un écho,
Inextricables, inexpliqués.
Je regarde ma main et c’est un songe ;
Par quelle magie pianotent-ils encor
L’amour, mes doigts.

Perdre les mots, quand on a encor la voix…
Perdre un membre, en perdre l’usage,
Perdre le cœur…
Perdre tout, et renaître.
Perdre tout, et mourir.
Devenir sourd, devenir aveugle,
S’éveiller un matin, la tête sur le lino,
Amnésique, dans le couloir…
Il me semble que mes doigts sauraient encor,
Sauraient encor ta peau ;
Car ma chair n’oublie pas.






Comme à l'ordinaire, je suis friand de critiques. Ce poème trainait dans mon carnet depuis disons une semaine, mais je ne parvenais pas à lui trouver un rythme – trop d'idées éparses, trop d'angles d'attaque. Je n'ai pas vraiment résolu l'affaire, mais je trouve que cette avancée par à-coups a quelque chose d'assez mélancolique. Chaque effet rythmique est de nature à emporter la lecture, et puis tout de suite il est brisé par le rythme suivant. J'ai le sentiment que cela donne à se poser.
Ce dont je doute le plus c'est de ce matraquage de
perdre qui me semble peut-être artificiel. Mais il me semble également qu'il amène bien la chute.


Chic un texte!
Faut-il entendre "débile" dans son sens premier de "faible"?... Je pense que oui!
La troisième strophe me parait sublime de délicatesse et de force mêlées,
de ce fait la dernière semble plus lourde...
Amicalement
Claricorne


#11 Eglantine

Eglantine

    Tlpsien ++

  • Membre
  • PipPipPip
  • 335 messages

Posté 22 juin 2008 - 11:11

Bonsoir Noctis

J'aime lorsqu'un auteur donne son avis sur ses écrits . C'est important de ressentir d'où lui sont venu les mots , le "pourquoi" de l'écriture . Qelle soit : amoureuse , tortueuse, lente , posée , saccadée, ect...
L'avis donné sur le texte renforce l'interet du lecteur qui à son tour cherche à saisir le sens qui lui est propre . ( Bien que ce soit ton oeuvre , nous avons tous notre interpretation )

En ce qui concerne ton poême , j'aime avec un grand "M" les répetitions "il est inéluctable" qui donne, ô combien de force à la suite de tes vers .
J'aime ces vérités implacables qui semblent s'abattre sur nos épaules , les unes aprés les autres , un peu comme ce jeu de TETRIS ( si tu connais..) , ces suites de choses qui s'accumulent et rajoutent du poids sur la balançe .

Je n'apprécie pas le terme "brouillent mon..." qui revient par deux fois et qui ( toujours à mon sens ) dénature le language assez soutenu et soigné de ton texte .
J'adore " inextricables , inexpliqués " ... je ne l'explique pas , c'est sublime .

Pour finir , ( car je doute que tu n'ais pas baillé une ou deux fois depuis ma première ligne ) ce poème est un parfait message d'espoir et un cri d'amour absolument subtil et merveilleux . Bien sûr que non , la chair n'oublie pas...

Sur ces mots , je te dis peut être à bientôt en tout cas je l'espere .
Et puisque je sais que tu y tiens : Pardonne les quelques fautes qui ne manqueront pas de ternir mon commentaire ;)

#12 Faust

Faust

    Tlpsien +

  • Membre
  • PipPip
  • 10 messages

Posté 22 juin 2008 - 11:50

Je reste sans souffle à la lecture de la première strophe. Les irrégularités du rythme donnent une grande puissance au texte.
La dernière strophe me plaît moins: elle est moins originale et moins imagée.
Si ce n'est qu'un griffonnage, c'est un griffonnage en bonne voie!

Amicalement,

Faust