Nous, le Huit
Sur le lac éteint aux éparses risées
Miroite le teint fauve des roseaux figés ;
Les cieux et l'onde se font face
Mais le huit à l'interface
Est un baiser.
Dans un élan constamment renouvelé
Le bateau roi glisse dans l'immensité
Dessinant l'étroit sillage
Dont les bouillons de passages
Forment l'allée.
L'eau fendue soulève par petites bouffées
Les parfums légers d'une chasse gardée.
Et dans la fraîcheur du soir
L'esprit paisible vient s'asseoir
Et se ressourcer.
On entend sourdre des sous bois éloignés
Les courts échos mourants des coups cadencés.
Et la carcasse entière résonne
Chant puissant qu'entonne
Son âme libérée.
Nos longs avirons tournent ensemble au carré
Ultimatum de la prochaine poussée.
Les cormorans regardent perplexes
Ce drôle d'engin complexe
Qui cherche à voler.
Une coque, des hommes, deux combats liés
La coque porteuse s'oppose à la gravité
Les hommes, eux, aux forces visqueuses
Mais de cette entente heureuse
Jaillit la vérité.
.
Nous ne sommes plus des hommes, mais une entité
De chairs et de bois aux angles profilés.
De nos mains à l'épinglette
Le levier est la gâchette
De nos seules pensées.
Huit rameurs, un barreur, une seule conduite :
Une équipe pour ramer toujours plus vite,
Dans la souffrance, pas de fuite
Nous les frères, les hoplites
Nous, le huit.