Comment un homme à ce point débile, enfermé dans sa chambre comme dans un coffre-fort ;
Comment un tel homme privé d’air et de lumière – sa barbe de jais elle-même peine à pousser !
Comment un tel homme, dis-je, un Juif crucifié sur son propre lit ;
Comment un tel homme, encor jeune, et dont on jurerait, si l’on n’était en 1922, qu’il vient de survivre à Auschwitz ;
Comment cet homme encor jeune, à la chair poussiéreuse, à l’estomac vide, et qui refuse obstinément toute nourriture, toute visite, toute sortie depuis des années ;
Comment cet homme mort de son vivant fait-il pour écrire – et achever – la Recherche du temps perdu ?
– Cet homme, lecteur, prélève secrètement sa part, jusqu’au bout, sur tout ce qu’il décrit.
Nantes, le 29 juillet 2008.