Un jour de soldes
je deniche un disque
pochette repoussante
photo de l'artiste
en noir et blanc
sur fond rougeâtre
format photo maton
la photo
et pas de la première jeunesse le type
bon
mais il est accompagné
au piano
par Jimmy Rowles
ca m'intrigue
j'achète
Frank J.Melville
inconnu au bataillon
malgré le très talentueux
libraire du jazz
qu'est Alain Gerber,
je cite:
"moi je ne vous dirais pas trop
qui est Frank J.Melville
je sais deux ou trois choses de lui
pourtant:
permettez-moi de ne pas troubler
la douce penombre où elles baignent,
mordorée comme les profondeurs
d'un salon turc,quand le jour lâche le ciel
et se laisse glisser dans le Bosphore."
et quand Gerber se fend d'une telle plume
ca m'intrigue encore plus
même et
surtout
si je suis pas plus avançé
sur ce que fut
la vie de Frank J.Melville
suffit d'ecouter
une voix de baryton noir
a la Hartman
un velouté grave
cryptique
qui sent la fumée
une voix qu'a du
traîner dans tous les boozes
de la Floride a la Louisianne
et jusque dans les derniers rades de la maffia
peut-être
qu'il était louffiat
servait les spaghettis
avant le diner spectacle
qu'il se faisait botter le cul
quand ca n'allait pas assez vite
si des mecs l'ont vraiment connu
je m'excuse par avance
je voudrais pas offenser sa memoire
mais jusqu'a ce jour
j'ai fouillé la toile
nada
était-il maquereau
au quart au tiers?
emargeait-il au welfare?
deux gars a Frankie
lui en brisèrent-il un
alors qu'il s'entêtait
a chanter
un truc qu'était fait pour Frankie
and not an other one
capicce buddy?
qui était Frank J.Melville
un refugié du rêve americain
un rescapé de la shoah
fumait-il des cigarettes turcques
a bout doré
rencardait-il le FBI?
avec des pompes en fin de course
tentait-il une dernière chance
pour se lever une marquise
aux bijoux chez le prêteur
mais une marquise quand même
surtout quand il faut lui interdire
le dernier verre
etait-il portier fatigué
dans un palace saisonnier
refourguait -il de la coke?
un mec sans enfant
ou qui sait pas
qu'il en a un
j'essaie d'imaginer...
mais quand aux abords
des soixante-dix balais tassés
on parvient a placer
une telle voix
qui relit toute en modulation
la noirceur invisible des melodies
années quarante
c'est qu'on l'a encore
sa part pédé
sa part chantante
légère
mais lÃ
un peu comme chez Tonny Bennett
ca empêche de se poursuivre
au fond d'une femme
et quand on la chante vrai
sa part pédé
on peut pas avoir d'enfant
et c'est tout ca
que me raconte sa voix
sans forcing
sans racole
sans grand ouvert
mais
si chaudement humaine
qu'a survecu aux ans
a la fumée
et qui raconte
une histoire vraie

le crooner perdu
Débuté par GUILLAUME Alain, mai 30 2007 11:45
2 réponses à ce sujet
#1
Posté 30 mai 2007 - 11:45
#2
Posté 30 mai 2007 - 07:58
Bravo, pour cette "reconstitution" d'une vie.
Après ça, on n'a même plus envie de savoir la vérité sur la vie du chanteur.
cette "fiction" est bien plus réelle.
Artemisia
Après ça, on n'a même plus envie de savoir la vérité sur la vie du chanteur.
cette "fiction" est bien plus réelle.
Artemisia
#3
Posté 31 mai 2007 - 11:01
Bravo, pour cette "reconstitution" d'une vie.
Après ça, on n'a même plus envie de savoir la vérité sur la vie du chanteur.
cette "fiction" est bien plus réelle.
Artemisia
merci Artemisia.Sur un autre site un plus erudit que moi en jazz m'a donné quelques precisions sur le bonhomme,qu'il aurait fait partie de l'orchestre de Duke Ellington....mais bon ,ne troublons pas la douce penombre...