2 réponses à ce sujet

[INFONTE]

L'instant. Un seul.
Tout est là, dans un pli,
Du temps obèse et plat.
Je ferme les yeux.
Un marteau-piqueur va
Descrescendo.
On dirait qu'il s'éloigne.
L'ombre qui longe le toit
M'éclaire d'oblique,
Au coin de l'oeil.
On sent l'odeur du goudron.
Une benne passe,
Pleine de cahots.
Les voitures circulent,
Vraiment, en ronds concentriques.
La tranche est verticale.
Elle repose en équilibre.
Un gars vient de poser sa pelle.
Une fille passe sur la pointe de ses talons.
Il ne siffle pas. Il ne sait plus.
Saurais-je encore ?
La fille fait s'envoler ses cheveux.
Elle n'aime pas aimer plaire.
Elle ne déteste pas non plus.
Un papillon vient de s'envoler.
La seule fleur du talus vibr'encore.
Dans la poussière d'un rayon,
Une mouche s'envole, folle.
Je me couche, dos au terrain vague.
Le ciel me surplombe, me tend la main.
Je suce une tige de sureau.
Les indiens ne gagneront pas.
Pas ce coup-ci, je parie deux billes.
Un nuage passe. L'ombre se rafraîchit.
Le marteau piqueur revient crescendo.
On bétonne mon passé, aux deux pieds.
La rivière est profonde.
Je ne m'y baignerai pas une seconde fois.
Je crache par terre, sur mes souliers.
Je secoue la poussière et le plâtre.

[Artemisia]

Poignant.
L'enfance perdue.
Le temps qui passe.
Les villes qui grignotent.

j'ai pensé à "mon oncle" de Jacques Tati, dans les parties du film où l'on voit les vieux quartiers en démolition.

Artemisia

[Carla.]

J'aime bien votre "instant", comme une limite indivisible entre le passé et le présent. C'est presque dommage de lui donner une fin nostalgique, on aurait pu terminer sur "le marteau piqueur revient crescendo...(6 lignes avant la fin). Mais c'est ma vision. Un texte avec de jolies choses, un début que j'aime particulièrement.