
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle
#1
Posté 19 novembre 2008 - 07:46
Mes sandales trouées m'apprennent le chemin
Qui mène du péché jusqu'à la repentance.
Hier était hier et voici que demain
Brillera dans nos yeux la coquille sans âge.
Je n'étais qu'un brigand coutumier du carnage
La grâce m'a touché du plus profond de l'âme,
J'ai délaissé l'épée, je manie le calame.
Si le corps est pesant l'âme est seule immortelle,
Au Chant de Notre Roi je veux subir le blâme.
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle.
Au bois de mon bâton je demande assistance,
Assistance et repos pour mes pieds et mes mains.
Le sable est souverain et masque la distance
Qui s'ouvre devant nous tout en recelant maints
Écueils maints dangers brisant le paysage.
Dante et tous ses Enfers délivrent leur message
Terrifiant et puissant pour tourmenter l'infâme.
Il brûle dans nos cœurs une si douce flamme,
Qui, en mes nuits troublées, le froid des cieux constelle.
Mais est-ce la douleur qu'il faut donc que je clame ?
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle.
Cela fait tant de mois que je suis en partance
Ou que je suis parti sans peur du lendemain.
Mais qui donc au pays connaît mon existence,
Ce qui est advenu du terrible gamin ?
Ma jeunesse a connu le triste brigandage
Et s'est éparpillée comme on verse un breuvage.
Ma conscience assaillie par les remords réclame
La belle contrition qui sera le sésame
Pour ouvrir grand les voies nous menant à l'autel.
Encore un pas de plus afin que je proclame :
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle.
La Provence est partie puis le parfum intense,
Arles avait déployé sa toge de romain.
A l'envie d'arrêter j'ai nourri résistance,
Pouvais-je abandonner Nicolas et Germain ?
J'ai tissé en chemin l'amitié de passage,
L'amitié du marcheur, à la fois tendre et sage.
Saint Jacques et son appel cinglent comme une lame,
C'est l'épée d'un guerrier aux portes de l'Islam.
Chaque pas hésitant rend notre vie mortelle,
Un parjure muet au Malin qui diffame.
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle ?
Voici le chaud soleil d'Espagne qui me tance.
"Quoi, tu n'en es que là , ô misérable humain ?
Rien dans tout l'Univers n'aurait plus d'importance,
Hâte-toi de trouver le but du parchemin.
Le secret de la vie tient dans un coquillage,
Gardé en sol sacré, porté loin du rivage."
Mes yeux de pèlerin ont vu le tétragramme,
Une vision fut mienne avant que je me pâme.
Une épée s'enfonçait très profond dans la stèle
Pourfendant mes péchés, avant que je m'exclame :
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle !
Je m'en vais retourner, guéri de tous mes drames,
En mon pays perdu, au temps où les cerfs brament,
Pour composer un chant en douce tarentelle.
Et sur air léger chanteront bien des dames :
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle.
- caillou caillasse aime ceci
#2
Invité_souris_*
Posté 19 novembre 2008 - 08:25
Oui, très à la mode, ce parcours est pourtant plus qu'une performance musculaire, je crois sentir à tes mots que tu as réussi à trouver une partie de tes réponses... dans une douleur salutaire
Merci pour le partage
Amicalement
Souris
#3
Invité_Apocope_*
Posté 19 novembre 2008 - 08:42
A la fin de l'envoi, tu me touches.
Ce qu'il y a de fascinant dans ton poème c'est l'absence de Dieu. Juste une grâce évasive au début. Puis plus rien que son silence rempli par ton regard sur toi et le monde et l'archaïsme de la vision entre alors en contradiction avec la spiritualité qui se voudrait... ou peut être ne se veut pas?
Saint Jacques et son appel cinglent comme une lame,
C'est l'épée d'un guerrier aux portes de l'Islam.
Voilà un vers dont l'archaïsme est d'une justesse absolue dans le poème mais qui résonne de façon profondément désagréable dans la vision contemporaine que le lecteur d'aujourd'hui peut poser.
Me reste donc une question lancinante.
Pourquoi écrire un texte de cette nature aujourd'hui?
J'hésite entre la critique de l'archaïsme de cette foi, qui serait admirablement rendue.
Je redoute qu'elle en soit l'éloge.
Bref ton poème m'a passionné....
Merci pour ça.
#4
Posté 19 novembre 2008 - 09:06
Par la marche forcée je ferai pénitence.
Mes sandales trouées m'apprennent le chemin
Qui mène du péché jusqu'à la repentance.
Hier était hier et voici que demain
Brillera dans nos yeux la coquille sans âge.
Je n'étais qu'un brigand coutumier du carnage
La grâce m'a touché du plus profond de l'âme,
J'ai délaissé l'épée, je manie le calame.
Si le corps est pesant l'âme est seule immortelle,
Au Chant de Notre Roi je veux subir le blâme.
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle.
Au bois de mon bâton je demande assistance,
Assistance et repos pour mes pieds et mes mains.
Le sable est souverain et masque la distance
Qui s'ouvre devant nous tout en recelant maints
Écueils maints dangers brisant le paysage.
Dante et tous ses Enfers délivrent leur message
Terrifiant et puissant pour tourmenter l'infâme.
Il brûle dans nos cœurs une si douce flamme,
Qui, en mes nuits troublées, le froid des cieux constelle.
Mais est-ce la douleur qu'il faut donc que je clame ?
Exquise est la douleur qui mène à Compostelle.
j'ai dégusté ce matin aux aurores cette balade, cette ode à un chemin initiatique que l'on fait encore de nos jours. J'ai pris plaisir à lire ces deux strophes en espérant que tu retrouveras ce que tu as voulu exprimer en de si beaux mots
Mais devant le commentaire d'apocope, je vais relire encore plus soigneusement ton poème. en attendant voici le lien qui te permettra d'entendre tes deux premières strophes mon logiciel gratuit n'étant pas généreux pour la longueur.

Fichier(s) joint(s)
#5
Posté 19 novembre 2008 - 11:21
Elyse merci de tes lectures, j'adore me laisser faire par ta voix
Apocope l'affreux mécréant touché par la grâce !!! bravo Lapsus
ps Attention cachez les hosties voici la ptite bestiole grise
#6
Posté 19 novembre 2008 - 01:01
Merci de ton passage, Souris. Parcours à la mode, je ne sais. La perspective et le registre du vocabulaire renvoyaient en tout cas à une époque révolue.Oui, très à la mode, ce parcours est pourtant plus qu'une performance musculaire, je crois sentir à tes mots que tu as réussi à trouver une partie de tes réponses... dans une douleur salutaire
#7
Posté 19 novembre 2008 - 01:25
J'avais à l'esprit avec ce poème de rendre le pèlerinage tel qu'il pouvait être senti et vécu au Moyen-Age, à une époque où Dieu était partout chez lui, à la moindre approche d'un village, dans les sonneries des cloches, dans l'abandon aux pèlerinages ou aux croisades.Ce qu'il y a de fascinant dans ton poème c'est l'absence de Dieu. Juste une grâce évasive au début. Puis plus rien que son silence rempli par ton regard sur toi et le monde et l'archaïsme de la vision entre alors en contradiction avec la spiritualité qui se voudrait... ou peut être ne se veut pas?
Parle-t-on encore de ce qui est partout ?
Tu as parfaitement raison, ce vers n'a de sens que mis en perspective d'une confrontation historique qui n'est plus, je devrais dire qui ne devrait plus être. Il doit être archaïque.Saint Jacques et son appel cinglent comme une lame,
C'est l'épée d'un guerrier aux portes de l'Islam.
Voilà un vers dont l'archaïsme est d'une justesse absolue dans le poème mais qui résonne de façon profondément désagréable dans la vision contemporaine que le lecteur d'aujourd'hui peut poser.
Pourquoi écrire un tel texte ?Me reste donc une question lancinante.
Pourquoi écrire un texte de cette nature aujourd'hui?
J'hésite entre la critique de l'archaïsme de cette foi, qui serait admirablement rendue.
Je redoute qu'elle en soit l'éloge.
Pourquoi un acteur accepte-t-il un rôle ?
Pour le plaisir de s'introduire dans une vie qui n'est pas la sienne, et souvent dans des pensées qui ne sont pas les siennes.
Il n'y a dans ce texte ni condamnation, ni éloge. Je suis athée.
Je rend ma perception de ce qu'a pu être le parcours d'un pèlerin repentant.
Merci pour ton commentaire, peut-être plus profond que le texte qu'il honorait.
Merci infiniment du cadeau que tu me fais Elyse. Comme ta voix porte bien et donne au texte une autre dimension !j'ai dégusté ce matin aux aurores cette balade, cette ode à un chemin initiatique que l'on fait encore de nos jours. J'ai pris plaisir à lire ces deux strophes en espérant que tu retrouveras ce que tu as voulu exprimer en de si beaux mots
Mais devant le commentaire d'apocope, je vais relire encore plus soigneusement ton poème. en attendant voici le lien qui te permettra d'entendre tes deux premières strophes mon logiciel gratuit n'étant pas généreux pour la longueur.compostelle.mp3 1,71 Mo 32 téléchargement(s)
Merci Gardia. Mais la forme poétique y est pour beaucoup, donnant au texte une densité et une résonance particulières par le retour sur six strophes des cinq rimes. La contrainte textuelle est bien rétribuée.Lapsus j'envie ton souffle dans tout les sens du mot
#8
Invité_Apocope_*
Posté 19 novembre 2008 - 01:26
Merci pour tes réponses. Ta perception est d'une justesse musicale. Ton texte est profond, si profond que je m'y suis perdu....[...]
Pourquoi écrire un tel texte ?
Pourquoi un acteur accepte-t-il un rôle ?
Pour le plaisir de s'introduire dans une vie qui n'est pas la sienne, et souvent dans des pensées qui ne sont pas les siennes.
Il n'y a dans ce texte ni condamnation, ni éloge. Je suis athée.
Je rend ma perception de ce qu'a pu être le parcours d'un pèlerin repentant.
Merci pour ton commentaire, peut-être plus profond que le texte qu'il honorait.
[...]
Avec délice

#9
Posté 19 novembre 2008 - 03:13
#10
Posté 25 août 2009 - 01:40
Pourquoi un acteur accepte-t-il un rôle ?
Pour le plaisir de s'introduire dans une vie qui n'est pas la sienne, et souvent dans des pensées qui ne sont pas les siennes.
Il n'y a dans ce texte ni condamnation, ni éloge. Je suis athée.
Je rend ma perception de ce qu'a pu être le parcours d'un pèlerin repentant.
Merci pour ton commentaire, peut-être plus profond que le texte qu'il honorait."
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Alors, cher poète, si tel est le cas, acceptez donc les éloges
vous campez là les plus beaux rôles
L'art poétique atteint parfois des sommets si hauts qu'il faut lever haut la tête pour les apercevoir et naitre en poésie
C'est vous qui nous honorez de vos mots, maître en poésie !
Emrys très impressionné