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Rendez à Moloch...


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2 réponses à ce sujet

#1 Lapsus

Lapsus

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Posté 27 novembre 2008 - 07:51

Au creux de son berceau l'enfant dort calmement.
Que peut lui importer les colonnes du temple,
La douceur de la nuit, le danger du moment.
Une esclave aux pieds nus se penche et le contemple.

Il est bien sans défaut comme il est exigé.
Fleurissant son sommeil, un sourire irradie
Le visage innocent et tout son corps figé.
Le nouveau-né est sain, sans nulle maladie.

Alors peut commencer le grand parcours sacré.
Voici que sonne un cor, et les chœurs sont en marche,
Sous la voûte éclairée d'un jeu de feu nacré
Un ténébreux cortège ébranle la grande arche.

Elle apparaît déjà, la statue de granit,
Superbe et imposante avec sa gueule ouverte.
Une telle splendeur fait de l'ombre à Tanit,
Foi de Carthaginois, cette vue déconcerte.

Tout se veut colossal, la tête de taureau,
Les cornes relevées, les bras qui vous reçoivent ;
Il sort de ses naseaux le souffle du héros.
Il serait insensé que leurs dons le déçoivent.

Aux pieds d'un dieu cruel s'entretient le brasier,
A des charbons ardents l'idole doit la vie.
Le prêtre approche alors le berceau en osier,
Son pas est solennel, il bouge sans envie.

L'appétit du granit s'impose tel un bloc,
Il donne protection mais veut son sacrifice.
On n'obtient pas sans rien les faveurs de Moloch,
Le peuple s'est construit avec cet édifice.

L'enfant, jeté aux flammes, est bientôt consumé.
Pris par l'adoration chacun retient ses larmes,
Empressé d'oublier qu'un crime est consommé.
L'offrande faîte au dieu est un appel aux charmes.

Chacun rêve à présent aux plus belles moissons,
Sans penser davantage à la souffrance amère
Qui, au-delà du temple et du flot des boissons,
S'insinue à jamais dans le cœur de la mère.




Tanit, déesse punique du Ciel et de la Fécondité, princ. divinité du panthéon carthaginois, identifiée à l’Astarté des Grecs.

Moloch ou Molk (en hébr. Melek, «roi»), nom par lequel l’Ancien Testament désigne, à tort, une divinité cananéenne à laquelle auraient été offerts des sacrifices d’enfants. On voit plutôt dans le Molk le sacrifice lui-même, au cours duquel de jeunes enfants étaient égorgés et brûlés comme offrandes, en pays cananéen et dans les territoires carthaginois.

#2 Arwen G

Arwen G

    Without face

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  • 682 messages

Posté 27 novembre 2008 - 08:27

Ce sont des vers parfaits. Nul besoin de compter, à part un ou deux vers, tous les hémistiches se lisent avec rythme.

Quant au fond du poème, du beau classique. As-tu lu Heredia ?

Je viens de prendre un excellent petit déjeûner. Merci beaucoup.

De plus je l'ai relu plusieurs fois tellement cela est fluide.

La beauté d'un vers réside aussi dans sa forme: quand on lit à voix haute c'est superbe.

#3 Lapsus

Lapsus

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Posté 27 novembre 2008 - 06:40

Merci Arwen.

Je suis moi aussi un admirateur de cet artisan superbe et besogneux qu'était Hérédia. :)