1.
Et voilà
Voilà
Le dernier paysage ravagé
De mon esprit
Solitaire
Une seconde encore
Avant
Son énième dissolution
Dans un autre
Autre
Nuit nocturne
Nuit de pluie
2.
Dehors
Comme un vin puissant
Le tombeau ouvert
De nos souvenirs
Remuglants
Tous les fleuves
Vont à l’océan
Ensanglantant
Les plaines
De leurs limons ardents
De millions de charognes
Gémissant
Aux longs
De blanches banlieues
Millénaires
De silences
Partout
Gronde la guerre
Ses avions ses chars
Ses lamentables mercenaires
Labourant encore la terre
Le froid la faim la peste le choléra
Et toutes les lumières de toutes les gares
Tous les quais blafards
Toutes les tranchées
Hurlent au bastingage
Les grandes orgues de la folie
3.
Et j’ai vu
J’y ai vu
Un vain rayon
S’exhaler
De ce caveau sinistre
J’ai vu
Des murmures de larmes
S’effondrer
Sur ces pauvres corps de flammes
Sans même
Un malheureux sanglot
Le sourire mélancolique
Des enfants sourds de Jéricho
Les danses insolentes
Les rires multicolores et solaires
Des fillettes mutines de Delhi
Les âmes aimantes
Les âmes mortes
Nageant
A contre-courant
De Venise la lagune
Au Danube ses pleurs endeuillés
Pleuviotant sur Vienne
J’ai vu
Le ciel s’effondrer
Et mes mains calleuses se remplir
De cendres
D’Orient en ouest
Et la nuit qui chialait
Ses torrents d’hier
Se mouchait bruyamment
Dans tous les Himalaya imprudents
Inconsistants
De ma conscience
4.
Je suis devenu un violon à arc-en-ciel
Un fleuve de larmes
Tout juste évaporé
Les vapeurs
D’escaliers de pierre
Jeune
Je n’étais qu’une rivière
Je cherchais l’océan pour l’épouser
Maintenant
Je ne suis plus
Qu’un fleuve de larmes
Qui s’évapore
Je suis un ciel
Inondé
De pierres
L’envers
D’un escalier
Aveugle
L’œil en spirale
Je suis un crayon
De sapeur
Dévolu de misère
Ce n’est que cela
Une si sinistre
Manipulation
De parchemins
5.
Il est des trompe-l’œil
Crevés
De s’être tournés
Le regard
Vers leurs propres
Entrailles
Ils ont percé
Leurs sphères obtuses
D’obusiers cramés
Iront jusqu’à
Brûler leurs racines
Et allant dévorer leurs rejetons
C’est un piano de prophéties
Gémissant
Amorphe d’effroi
Dans les cabines obscures
Et odoriférantes
Des cavernes de chair
Les grandiloquentes cathédrales
Vouées
Aux cultes sadiques
Des grandes prêtresses lubriques
Du malin désir
6.
Parfois
Je me prends pour un drôle de paysage
En partances pour d’incertains voyages
Dans d’inexorables souvenirs
De rives indénombrables
Toutes ravagées
Nos yeux rivetés nus
Sur leurs pals de couleur
Criardant
Nous désormais
Lucides
Seulement guidés
Par nos sombres lueurs
L’amertume du sel
L’océan sa sueur acide
Celle de la peur
7.
Pour la première fois
Par mes meurtrières mentales
J’entrevois vraiment
Le monde qui vibre
Et
J’ai peur
Peur des mensonges
Qui s’étalent meuglant indécents
Leurs insultes
Sur tous les murs de toutes les gares
Dans toutes les chambres
Tous les hôtels sordides
Jusqu’aux suites luxurieuses
Tout le monde finit criblé
Par nourrir les vers
–Les vers aussi –
La terre empoisonnée
Retourne toujours
A la terre
Empoisonnée
J’ai peur des trains qui explosent
Qui n’arrivent jamais
Des balles qui sifflent des lames
Qui percent les tympans
Peur des routes circumnavigatoires
Des peuples en ruines
A fond de cale
De temple
En route
Vers le terminus
De l’enfer
J’ai peur
Je suis paralysé
Je vais attendre calmement
La mort
En bonne santé
En essayant de ne pas oublier
Notre Belle Epoque
Impitoyablement
Morte
8.
Je pleure
Le salaire implacable
Du temps
Des mélancoliques rengaines
Fredonnées à la détresse des heures
A l’ivresse des champs
Des printemps paresseux
Rouges et bleus et jaunes
Irradiant nos yeux
Comme des toiles hollandaises
Des joues trop roses
Glacées
Piquées
Par l’air gelé du matin
Nos abris
Des bergeries abandonnées sur des crêtes inaccessibles
Nos amis
A la plaine
Les lavandières édentées
- Elles ne se voient même plus distinctement
Dans les parchemins élimés
De nos mémoires délitées -
Et l’odeur fraîche des sueurs d’avril
Des filles en mai
Nos mains calleuses
Après les foins
Les frôlant recirculant d’hier vers demain
Puis
Les faces halées
De noble vieillesse
Sillonnées d’antiques sillons d’une antique sagesse
Un crissement apeuré d’une plume
Griffant le papier
D’onduleuses odes de temps
Sur ces visages émaciés
Epuisés
Comme les mystères des vernis
Faisant sonner tous violons anciens
Comme des fantômes
De jadis
Des pluies douces à se laisser boire
Le soleil
S’offrant
Qui animait la vie
Nous arrimait d’amours
Ah !
Pauvre monde
Ce Colisée funeste
Où saignotent incessantement
Eperdues et émues
Nos âmes
Lasses et tristes
Si jeunes violées
Naïves et accablées
Ah !
Je suis fou
Tout au moins
Je le deviens
J’entrevois
De mes meurtrières mentales
Des sépulcres de pensée
Et sur ce monde martyrisé
Les ténèbres venir
Ah !
Je crois maintenant !
Je suis donc fou !
Les voilà !
Ah !
Mais elles sont déjà là !
ARCENCIELESQUE VIOLON
Débuté par Dedalus, juil. 04 2007 10:09
4 réponses à ce sujet
#1
Posté 04 juillet 2007 - 10:09
#2
Posté 04 juillet 2007 - 10:36
énorme
surement mon preferé, et pas seulement de toi.
respect, comme ils disent.
surement mon preferé, et pas seulement de toi.
respect, comme ils disent.
#3
Posté 05 juillet 2007 - 10:44
énorme
surement mon preferé, et pas seulement de toi.
respect, comme ils disent.
yes
belle allonge
a ecouter en contrepoint de la pastorale du Beethoven
surtout vers la fin
l'evocation nostalgique
#4
Posté 05 juillet 2007 - 01:46
La Pastorale de Beethoven ?
Tu touche juste, m'honore et me flatte.
Sans doute une des oeuvres que je préfère d'un des musiciens que je préfère.
Y voir un lien avec ma poésie est un compliment qui me comble.
Il y a bien d'autres références ici, comme dans chacun de mes textes. Celle-ci n'était pas consciente, mais merci mille fois tout de même.
Tu touche juste, m'honore et me flatte.
Sans doute une des oeuvres que je préfère d'un des musiciens que je préfère.
Y voir un lien avec ma poésie est un compliment qui me comble.
Il y a bien d'autres références ici, comme dans chacun de mes textes. Celle-ci n'était pas consciente, mais merci mille fois tout de même.
#5
Posté 07 juillet 2007 - 11:32
mais c'est une bonne chose d'avoir incéssamment la mort à l'esprit.