
Souvent les trèfles à quatre feuilles ont quatre feuilles
#1
Posté 11 mai 2009 - 08:49
de chaque côté, derrière les haies, les haies qui ne sont pas encore assez hautes (qui ne seront jamais trop hautes, mais moi, pour tout dire, je m’en fous)
de chaque côté, des voix des voisins
à gauche, le jeune père qui siffle « je suis libertine » en regardant son fils courir après mon chat qui court après les poules
ce sont de jeunes poules
ce même père a tué d’autres poules, il y a quelques années quand sa femme était enceinte
PARCE QU’ILS ONT EU PEUR
maintenant il n’y a plus de grippe aviaire
(heureusement qu’ils n’ont pas pris de cochons)
il rentre de vacances, il est heureux
et il siffle derrière la haie
à droite, ce sont de vieux paysans
de vieux paysans qui éclatent en des disputes incompréhensibles
un couple de paysans
un couple dont le langage est un mystère tout à fait entier,
un secret à l’état pur qu’ils crient entre leurs murs de pierre
deux cœurs au travail
sans cesse
au milieu c’est moi, vainement moi, vainement lÃ
avec mon attente, avec mes sourires, avec mes allées et venues, avec mon amour
et ce jardin qui n’est jamais le même
je n’ai pas demandé tout ça
je n’aime pas les haies
je n’aime pas les maisons
j’observe ce jardin qui n’est jamais le même
les changements infimes
qui me semblent si brusques
si fatals
si tragiquement beaux
si fragiles aussi
c’est bête non
les cerisiers sont envahis par les pucerons qui sont mangés par les fourmis
pommier coupé greffe du pommier réussie
épinards qui montent
terre retournée
le purin d’ortie dans la grande poubelle verte
je guette l’arrivée des hannetons
dans l’aquarium (je n’aime plus les aquariums)
dans l’aquarium un poisson est mort
ici il n’y a pas d’impasse, tout se mélange
rien ne reste propre très longtemps
sur d’anciennes traces on pose de nouvelles traces
des taches qui tour à tour s’effacent, restent ou pourrissent
se rencontrent s’oublient deviennent inutiles, obsolètes, inexistantes
de petits anachronismes
de minuscules témoins qui ne témoignent plus de rien
je réponds aux questions
je souris
je ne réponds pas
les poissons continuent de flotter, le ventre à l’air sous les néons trop chauds
l’herbe est tiède, me réconforte
elle prend les fleurs et les jette
je sais que sous mes pieds, mille présences s’effondrent
je ne prétends rien
le sol devient sans doute aussi lourd que le reste
je ne le porterai pas
je ne porterai rien
j’oublie le jardin j’oublie que c’est peut-être mon jardin
j’oublie les voisins et ma vanité
je reste là sans marcher
et je laisse faire le sol.
#2
Posté 11 mai 2009 - 09:03
Je suis dans le jardin,
de chaque côté, derrière les haies, les haies qui ne sont pas encore assez hautes (qui ne seront jamais trop hautes, mais moi, pour tout dire, je m'en fous)
de chaque côté, des voix des voisins
à gauche, le jeune père qui siffle « je suis libertine » en regardant son fils courir après mon chat qui court après les poules
ce sont de jeunes poules
ce même père a tué d'autres poules, il y a quelques années quand sa femme était enceinte
PARCE QU'ILS ONT EU PEUR
maintenant il n'y a plus de grippe aviaire
(heureusement qu'ils n'ont pas pris de cochons)
il rentre de vacances, il est heureux
et il siffle derrière la haie
à droite, ce sont de vieux paysans
de vieux paysans qui éclatent en des disputes incompréhensibles
un couple de paysans
un couple dont le langage est un mystère tout à fait entier,
un secret à l'état pur qu'ils crient entre leurs murs de pierre
deux cœurs au travail
sans cesse
au milieu c'est moi, vainement moi, vainement lÃ
avec mon attente, avec mes sourires, avec mes allées et venues, avec mon amour
et ce jardin qui n'est jamais le même
je n'ai pas demandé tout ça
je n'aime pas les haies
je n'aime pas les maisons
j'observe ce jardin qui n'est jamais le même
les changements infimes
qui me semblent si brusques
si fatals
si tragiquement beaux
si fragiles aussi
c'est bête non
les cerisiers sont envahis par les pucerons qui sont mangés par les fourmis
pommier coupé greffe du pommier réussie
épinards qui montent
terre retournée
le purin d'ortie dans la grande poubelle verte
je guette l'arrivée des hannetons
dans l'aquarium (je n'aime plus les aquariums)
dans l'aquarium un poisson est mort
ici il n'y a pas d'impasse, tout se mélange
rien ne reste propre très longtemps
sur d'anciennes traces on pose de nouvelles traces
des taches qui tour à tour s'effacent, restent ou pourrissent
se rencontrent s'oublient deviennent inutiles, obsolètes, inexistantes
de petits anachronismes
de minuscules témoins qui ne témoignent plus de rien
je réponds aux questions
je souris
je ne réponds pas
les poissons continuent de flotter, le ventre à l'air sous les néons trop chauds
l'herbe est tiède, me réconforte
elle prend les fleurs et les jette
je sais que sous mes pieds, mille présences s'effondrent
je ne prétends rien
le sol devient sans doute aussi lourd que le reste
je ne le porterai pas
je ne porterai rien
j'oublie le jardin j'oublie que c'est peut-être mon jardin
j'oublie les voisins et ma vanité
je reste là sans marcher
et je laisse faire le sol.
Bonsoir Lux. J'aime ces petites annotations que l'on écrit sur son carnet de poche. Ce regard doux amer que tu portes sur
le quotidien des jours qui passent et que tu égrènes comme un chapelet récurant. Le ton est juste, sans effet. Presque
une voix en sourdine qui nous touche peu à peu, mine de rien. Merci Lux
Richard
#3
Posté 11 mai 2009 - 09:17
je lis; j'apprends et j'espère comprendre et c'est beau
SYM
#4
Posté 11 mai 2009 - 09:42
merci à vous trois de vous être posés un instant ici.
je crois que c'est la première fois que j'écris aussi près de ce qu'il y a autour de moi
la première fois que ces notes parviennent à résonner ensembles
alors merci, vraiment
#5
Posté 11 mai 2009 - 11:00
comme un chapelet récurant
magnifique, celle-là !
le chapelet, véritable monsieur propre de la contrition !
pour votre pénitence, mon fils, vous me direz trente je-vous-salue-Marichard
et vos péchés seront lavés et ré-curés...
ce chapelet-là , il en a un grain, dis donc !

#6
Posté 11 mai 2009 - 11:12
#7
Posté 12 mai 2009 - 10:17
Précieuses choses ordinaires...
#8
Posté 12 mai 2009 - 10:41
Je suis dans le jardin,
de chaque côté, derrière les haies, les haies qui ne sont pas encore assez hautes (qui ne seront jamais trop hautes, mais moi, pour tout dire, je m'en fous)
de chaque côté, des voix des voisins
à gauche, le jeune père qui siffle « je suis libertine » en regardant son fils courir après mon chat qui court après les poules
ce sont de jeunes poules
ce même père a tué d'autres poules, il y a quelques années quand sa femme était enceinte
PARCE QU'ILS ONT EU PEUR
maintenant il n'y a plus de grippe aviaire
(heureusement qu'ils n'ont pas pris de cochons)
il rentre de vacances, il est heureux
et il siffle derrière la haie
à droite, ce sont de vieux paysans
de vieux paysans qui éclatent en des disputes incompréhensibles
un couple de paysans
un couple dont le langage est un mystère tout à fait entier,
un secret à l'état pur qu'ils crient entre leurs murs de pierre
deux cœurs au travail
sans cesse
au milieu c'est moi, vainement moi, vainement lÃ
avec mon attente, avec mes sourires, avec mes allées et venues, avec mon amour
et ce jardin qui n'est jamais le même
je n'ai pas demandé tout ça
je n'aime pas les haies
je n'aime pas les maisons
j'observe ce jardin qui n'est jamais le même
les changements infimes
qui me semblent si brusques
si fatals
si tragiquement beaux
si fragiles aussi
c'est bête non
les cerisiers sont envahis par les pucerons qui sont mangés par les fourmis
pommier coupé greffe du pommier réussie
épinards qui montent
terre retournée
le purin d'ortie dans la grande poubelle verte
je guette l'arrivée des hannetons
dans l'aquarium (je n'aime plus les aquariums)
dans l'aquarium un poisson est mort
ici il n'y a pas d'impasse, tout se mélange
rien ne reste propre très longtemps
sur d'anciennes traces on pose de nouvelles traces
des taches qui tour à tour s'effacent, restent ou pourrissent
se rencontrent s'oublient deviennent inutiles, obsolètes, inexistantes
de petits anachronismes
de minuscules témoins qui ne témoignent plus de rien
je réponds aux questions
je souris
je ne réponds pas
les poissons continuent de flotter, le ventre à l'air sous les néons trop chauds
l'herbe est tiède, me réconforte
elle prend les fleurs et les jette
je sais que sous mes pieds, mille présences s'effondrent
je ne prétends rien
le sol devient sans doute aussi lourd que le reste
je ne le porterai pas
je ne porterai rien
j'oublie le jardin j'oublie que c'est peut-être mon jardin
j'oublie les voisins et ma vanité
je reste là sans marcher
et je laisse faire le sol.
J'aime bien; un ton original. Mine de rien, l'opaque mystère de la vie est là .
Bien à toi.
PL