
C H U T E
#1
Posté 27 mai 2009 - 03:09
C H U T E
Rassasié de sang, de plaisirs et d'orgueil,
L'œil
Troublé par la liqueur et bercé par la palme,
Calme,
Un roi, des temps anciens – ou futurs, qui le sait ? –
S'est
Voluptueusement repu de la plus chère
Chère.
Mais, las des rares mets, dégrisé des divins
Vins,
Ce roi – semblable au fier monument qu'un ver ronge –
Songe.
Il songe qu'il s'ennuie, au fond… Et ce puissant
Sent
Quelque chose échapper à son pouvoir suprême.
Blême,
Il erre ainsi qu'un spectre au fond de son manoir
Noir…
En sa chair paresseuse une secrète entraille
Raille
Tout ce qu'il prétend être aux yeux du peu qu'il est :
Laid,
Lâche, cruel, malade, abject, mortel – en somme,
Homme.
– Regarde-toi… murmure au roi l'obscure voix.
Vois
Comme, sous le fardeau des ans, même un monarque
S'arque ;
Vois comme, sous le poids des pourpres, des velours,
Lourds,
L'échine des puissants, sans valets et sans aide,
Cède…
Oui, roi : tu coucheras en ton royal linceul
Seul.
Toi qui brilles au trône, on t'en verra descendre
Cendre,
Poussière, atome, point fuyant, évanoui…
Oui,
Roi : tu devras, si haut que le sort te fît naître,
N'être
(Pas même une ombre, moins qu'un souffle aérien)
Rien.
Ecoute… Ecoute, ô roi, car l'heure où tout frissonne
Sonne.
***
Insondables et noirs Enfers, silencieux
Cieux…
Enigme que le Sphinx, paupière à jamais close,
Pose :
Roi, connais-tu l'effroi ? L'insoutenable effroi ?
Roi,
Tu l'ignores… Tu crois, jouisseur, lascif, ivre,
Vivre,
Vivre encor… Crois-tu, roi, qu'un roi vive à jamais ?
Mais
L'homme, élevé plus haut, de plus haut en sa tombe
Tombe.
Où ? Qui le sait ? – Le prêtre, inévitablement,
Ment ;
Et le sage, aussi loin qu'il espère ou redoute,
Doute.
Tu demeures, devant cet éternel Pourquoi,
Coi ;
Ta crainte est toujours neuve et ton peu d'espérance
Rance…
Roi, tu te sens, aux yeux de ce vaste inconnu,
Nu.
***
Quand un mollet vivant, trop près du sombre espace,
Passe,
Cerbère, triple chien des portes de la mort,
Mord.
Nous, qui ne savons rien, savons cette morsure
Sûre…
Humain, l'heure est venue, et tu n'as plus le choix :
Chois.
L'abîme est devant toi, gouffre que l'ombre affreuse
Creuse ;
Ecoute du néant les muettes clameurs…
Meurs !
***
Ô profondeurs où l'œil, quand il se penche et scrute,
Chute !
#2
Posté 27 mai 2009 - 04:42
Voila un poème que n'aurait pas renier Victor Hugo.
Salutations
Orphic
#3
Posté 27 mai 2009 - 05:12
j'aime
#4
Posté 27 mai 2009 - 05:23
il me semble trouver ici comme une gemme
j'aime
Joliment tourné celui-là !
J'ai envie de répondre
Prenez garde, pourtant : souvent le diamant
Ment,
Et la verroterie autour de l'émeraude
Rôde !
#5
Invité_utopie1_*
Posté 27 mai 2009 - 06:07
L'important n'est pas la chute mais l'atterrissage " la haine ".
bien à toi.
#6
Posté 27 mai 2009 - 06:15
Pour une version audio de ce poème : http://www.litteratu...hute-poeme.html
C H U T E
Rassasié de sang, de plaisirs et d'orgueil,
L'œil
Troublé par la liqueur et bercé par la palme,
Calme,
Un roi, des temps anciens – ou futurs, qui le sait ? –
S'est
Voluptueusement repu de la plus chère
Chère.
Mais, las des rares mets, dégrisé des divins
Vins,
Ce roi – semblable au fier monument qu'un ver ronge –
Songe.
Il songe qu'il s'ennuie, au fond… Et ce puissant
Sent
Quelque chose échapper à son pouvoir suprême.
Blême,
Il erre ainsi qu'un spectre au fond de son manoir
Noir…
En sa chair paresseuse une secrète entraille
Raille
Tout ce qu'il prétend être aux yeux du peu qu'il est :
Laid,
Lâche, cruel, malade, abject, mortel – en somme,
Homme.
– Regarde-toi… murmure au roi l'obscure voix.
Vois
Comme, sous le fardeau des ans, même un monarque
S'arque ;
Vois comme, sous le poids des pourpres, des velours,
Lourds,
L'échine des puissants, sans valets et sans aide,
Cède…
Oui, roi : tu coucheras en ton royal linceul
Seul.
Toi qui brilles au trône, on t'en verra descendre
Cendre,
Poussière, atome, point fuyant, évanoui…
Oui,
Roi : tu devras, si haut que le sort te fît naître,
N'être
(Pas même une ombre, moins qu'un souffle aérien)
Rien.
Ecoute… Ecoute, ô roi, car l'heure où tout frissonne
Sonne.
***
Insondables et noirs Enfers, silencieux
Cieux…
Enigme que le Sphinx, paupière à jamais close,
Pose :
Roi, connais-tu l'effroi ? L'insoutenable effroi ?
Roi,
Tu l'ignores… Tu crois, jouisseur, lascif, ivre,
Vivre,
Vivre encor… Crois-tu, roi, qu'un roi vive à jamais ?
Mais
L'homme, élevé plus haut, de plus haut en sa tombe
Tombe.
Où ? Qui le sait ? – Le prêtre, inévitablement,
Ment ;
Et le sage, aussi loin qu'il espère ou redoute,
Doute.
Tu demeures, devant cet éternel Pourquoi,
Coi ;
Ta crainte est toujours neuve et ton peu d'espérance
Rance…
Roi, tu te sens, aux yeux de ce vaste inconnu,
Nu.
***
Quand un mollet vivant, trop près du sombre espace,
Passe,
Cerbère, triple chien des portes de la mort,
Mord.
Nous, qui ne savons rien, savons cette morsure
Sûre…
Humain, l'heure est venue, et tu n'as plus le choix :
Chois.
L'abîme est devant toi, gouffre que l'ombre affreuse
Creuse ;
Ecoute du néant les muettes clameurs…
Meurs !
***
Ô profondeurs où l'œil, quand il se penche et scrute,
Chute !
Un poème qui gronde, pour nous rappeller que "le roi est nu" et que "plus dure sera la chute".
On ne le rappelle jamais assez, mais c'est une vérité qui dérange.
Merci pour ce texte plein de souffle, superbement écrit.
PL.
#7
Posté 27 mai 2009 - 09:43
question metrique tu cartonnes bravo
tu vas en remontrer a tous les debutants d ici

si tu restes va expliquer la mecanique à Claricorne elle est pleine de bonne volonté, modeste studieuse (pas comme moi)
Victor Hugo ??? en effet ton texte soutient la comparaison avec le genre de merde que le XIXe produisait a la chaine
Un poème qui gronde, pour nous rappeller que "le roi est nu" et que "plus dure sera la chute".
On ne le rappelle jamais assez, mais c'est une vérité qui dérange.
oh que oui
#8
Posté 28 mai 2009 - 08:39
#9
Posté 02 juin 2009 - 04:11
De là à se faire traiter gratuitement de "mirliton" et de "petit prétentieux" (peux-tu citer un seul de mes mots qui trahisse une quelconque prétention?), je ne comprends pas, mais j'ai l'impression que je ne suis pas le bienvenu.
#10
Posté 02 juin 2009 - 04:59
Et peux-tu encore m'expliquer ce qui te motivait pour écrire : "Le mépris, il se trouve dans tes réponses de petit prétentieux". De toute évidence c'était plutôt dans mon absence de réponse, et je ne vois rien de prétentieux dans le fait de se taire.
Défendre ton usage du "mirliton" à mon égard comme un compliment, faut pas se moquer des gens, je sais ce que ça veut dire et ça n'a rien de sympathique ni de bien intentionné.
Mais bref, cette discussion est sans intérêt. Je venais simplement publier ce poème, et je préférerais qu'on s'en tienne à en parler.
#11
Posté 02 juin 2009 - 05:01