Je suis la dévorée vivante.
L’happée, l’avalée par la nuit.
Gobée par l’ombre fissurée, où se tarissent les chemins.
La chair est ombre, et l’ombre est chair.
La chair, dans l’ombre, s’est fondue.
L’ombre contracte, et abolit.
Elle s’est nourrie. Du suc des formes.
L’ombre s’est goulûment nourrie, généreusement chargée de l’empilement, du chaos des formes.
Une attente. Une attente qui met un terme à la respiration. Une attente, qui suspend tous les mouvements, élans, séance tenante.
Une attente. Qui foudroie la chair dans son désir ascensionnel.
Une nuit. Qui se replie, se referme, telle une paire d’ailes molles et mauves.
Une nuit. Qui laisse pendre, et dégouliner son goudron.
Une nuit. Qui se réduit à un goudronneux goutte à goutte.
Une nuit. Vouée au frémissement sous-cutané de la chair flasque.
Une nuit. Transformant la chair en pur espace qui respire. En pure et simple membrane de mer étalée jusqu’à plus soif.
En pure et simple pellicule de mer, Ã la surface des choses.
J’épouse le long voyage simple et membraneux de la mer.
J’épouse la souplesse, la nage de toutes les formes accumulées.
J’éprouve la fièvre qui maintient nécessairement mon corps en cage.
J’épouse la reptation sournoise du petit matin, sa tentative de forcer la résistance des persiennes avec sa teinte de virginité lactée mais un peu trouble. Avec sa teinte ombrée, timide, de cerne bleue, de fard à paupières.
Avec sa teinte fourbe, caressante, qui cherche à apprivoiser.
Je m’oublie dans la nuit, dans l’obscurité ; je m’incorpore au roc.