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Baudelaire, je t'aime!


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25 réponses à ce sujet

#1 hirondelle

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Posté 29 juillet 2009 - 09:40

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;

Et plus tard un Ange, entrouvant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

Ch. Baudelaire.

C'était comme un coup de foudre, j'ai lu et je suis tombée amoureuse de ce poème tout de suite.

#2 Victorugueux

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Posté 30 juillet 2009 - 09:00

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal :

La Beauté

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

#3 hirondelle

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Posté 30 juillet 2009 - 09:40

C'est l'un de mes poèmes préférés! Merci. Voici encore un:

Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et des pieds jusques à la tête,
Un air sibtile, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.

#4 The Child

The Child

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Posté 30 juillet 2009 - 12:50

trop beaux ces poèmes!

un qui est pas mal aussi :

le pet


le pet est un gaz concentré
qui descend tout droit
de la vallée Defesses
et qui annonce avec fracas
l'arrivée du Général Caca!


je vous aime ^_^

#5 jean-luc78

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Posté 30 juillet 2009 - 12:54

trop beaux ces poèmes!

un qui est pas mal aussi :

le pet


le pet est un gaz concentré
qui descend tout droit
de la vallée Defesses
et qui annonce avec fracas
l'arrivée du Général Caca!


je vous aime ^_^

Malherbe ou Boileau ou MeeLee

#6 hirondelle

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Posté 30 juillet 2009 - 02:40

trop beaux ces poèmes!

un qui est pas mal aussi :

le pet


le pet est un gaz concentré
qui descend tout droit
de la vallée Defesses
et qui annonce avec fracas
l'arrivée du Général Caca!


je vous aime ^_^

Oui le pet c'est toi.
Sinon ce ''poème'' est un contraste fort avec ceux de Baudelaire. On dirait la mer et une petite flaque...

#7 Invité_Le Prince de Dité_*

Invité_Le Prince de Dité_*
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Posté 30 juillet 2009 - 03:02

Mon préféré de Baudelaire, c'est quand même autre chose que "le dormeur du val", malgré mon admiration pour Rimbaud:

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
À cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! Telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! Dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !

#8 hirondelle

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Posté 30 juillet 2009 - 03:23

Parfum exotique

Quand, les deux yeux fermes, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

#9 hirondelle

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Posté 18 juillet 2012 - 10:42

L'invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Les traductions en anglais

Invitation to the Voyage

My child, my sister,
Think of the rapture
Of living together there!
Of loving at will,
Of loving till death,
In the land that is like you!
The misty sunlight
Of those cloudy skies
Has for my spirit the charms,
So mysterious,
Of your treacherous eyes,
Shining brightly through their tears.


There all is order and beauty,
Luxury, peace, and pleasure.


Gleaming furniture,
Polished by the years,
Will ornament our bedroom;
The rarest flowers
Mingling their fragrance
With the faint scent of amber,
The ornate ceilings,
The limpid mirrors,
The oriental splendor,
All would whisper there
Secretly to the soul
In its soft, native language.


There all is order and beauty,
Luxury, peace, and pleasure.


See on the canals
Those vessels sleeping.
Their mood is adventurous;
It's to satisfy
Your slightest desire
That they come from the ends of the earth.
— The setting suns
Adorn the fields,
The canals, the whole city,
With hyacinth and gold;
The world falls asleep
In a warm glow of light.


There all is order and beauty,
Luxury, peace, and pleasure.


— William Aggeler, The Flowers of Evil (Fresno, CA: Academy Library Guild, 1954)



Invitation to the Voyage
My daughter, my sister,
Consider the vista
Of living out there, you and I,
To love at our leisure,
Then, ending our pleasure,
In climes you resemble to die.
There the suns, rainy-wet,
Through clouds rise and set
With the selfsame enchantment to charm me
That my senses receive
From your eyes, that deceive,
When they shine through your tears to disarm me.


There'll be nothing but beauty, wealth, pleasure,
With all things in order and measure.


With old treasures furnished,
By centuries burnished,
To gleam in the shade of our chamber,
While the rarest of flowers
Vaguely mix through the hours
Their own with the perfume of amber:
Each sumptuous ceiling,
Each mirror revealing
The wealth of the East, will be hung
So the part and the whole
May speak to the soul
In its native, indigenous tongue.


There'll be nothing but beauty, wealth, pleasure,
With all things in order and measure.


On the channels and streams
See each vessel that dreams
In its whimsical vagabond way,
Since its for your least whim
The oceans they swim
From the ends of the night and the day.
The sun, going down, With its glory will crown
Canals, fields, and cities entire,
While the whole earth is rolled
In the jacinth and gold
Of its warming and radiant fire.


There'll be nothing but beauty, wealth, pleasure
With all things in order and measure.


— Roy Campbell, Poems of Baudelaire (New York: Pantheon Books, 1952)



Invitation to the Voyage

Think, would it not be
Sweet to live with me
All alone, my child, my love? —
Sleep together, share
All things, in that fair
Country you remind me of?
Charming in the dawn
There, the half-withdrawn
Drenched, mysterious sun appears
In the curdled skies,
Treacherous as your eyes
Shining from behind their tears.


There, restraint and order bless
Luxury and voluptuousness.


We should have a room
Never out of bloom:
Tables polished by the palm
Of the vanished hours
Should reflect rare flowers
In that amber-scented calm;
Ceilings richly wrought,
Mirrors deep as thought,
Walls with eastern splendor hung,
All should speak apart
To the homesick heart
In its own dear native tongue.


There, restraint and order bless
Luxury and voluptuousness.


See, their voyage past,
To their moorings fast,
On the still canals asleep,
These big ships; to bring
You some trifling thing
They have braved the furious deep.
— Now the sun goes down,
Tinting dyke and town,
Field, canal, all things in sight,
Hyacinth and gold;
All that we behold
Slumbers in its ruddy light.


There, restraint and order bless
Luxury and voluptuousness.


— Edna St. Vincent Millay, Flowers of Evil (NY: Harper and Brothers, 1936)



Invitation to the Voyage

My child mistress/mother sister/dream
How acceptable all things would be
Were we to live in that land where
The slow and the long, short and the strong


Die in the dance of being less than one another
In a perpetual summer of imageless desire.
Flagellated and forgotten suns
Drink in the step of my azure lost skies
And move to mysterylessness our chemical miseries
Within which the treadling eyes of indefiniteness
Are no more than the tears of the damned.
Take from my heart, a platinum measure
Free of solitude's false grace
And awkward adolescent pleasures.
Here is the furniture
That caresses the dust of the years
And counts the wrinkled set into the brain
On fingers that have made their own doom.
Evil the eyes that look back at us in dreams,
Evil the touch of the deaths that have not loved us
Evil the sorrow which shelters itself from release
And the evils accumulate
Leaving us idle and alone
Though an Eastern splendor,
An Eastern hatred of the idea of loss
Eddies in the river of slime
That has not won us.
Hidden from the waves in still canals
We sit in a small boat that refuses
To set forth.
To satisfy need,
To accommodate our need of forever,
We sit in the boat
And wait for a clearer sky,
A more propitious moment to launch
While thinking of Cortez'
Miraculous slaughter of and victory over
The children of the sun.


— Will Schmitz

#10 Cyraknow

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Posté 18 juillet 2012 - 12:02

Incroyable comme certaines traductions trahissent et abâtardissent un texte si beau !!!
Mieux vaut lire Baudelaire en français !!!
Quant à mon préféré, c'est celui-ci: L'Ennemi

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

#11 hirondelle

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Posté 18 juillet 2012 - 03:48

Tu as raison. Moi j'ai lu ses poèmes en russe et je n'ai pas aimé la traduction. En français c'est beaucoup mieux.

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils deposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Image IPB

#12 Cyraknow

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Posté 18 juillet 2012 - 03:59

Ou alors, sublime : Remords Posthume


Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,
Au fond d'un monument construit en marbre noir,
Et lorsque tu n'auras pour alcôve et manoir
Qu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse ;

Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse
Et tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir,
Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,
Et tes pieds de courir leur course aventureuse,

Le tombeau, confident de mon rêve infini
(Car le tombeau toujours comprendra le poète),
Durant ces grandes nuits d'où le somme est banni,

Te dira : " Que vous sert, courtisane imparfaite,
De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts ? "
- Et le ver rongera ta peau comme un remords.

#13 hirondelle

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Posté 19 juillet 2012 - 07:37

Harmonie Du Soir


Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige!

Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige,
Un coeur tendre qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux receuille tout vestige!
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige …
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!

#14 Cyraknow

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Posté 19 juillet 2012 - 01:30

C'est vraiment très beau.
De plus, dans celui-ci, le travail sur le schéma de rimes m'a toujours beaucoup plu...
Et celui-ci, alors? Parfum exotique

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont œil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

#15 Victorugueux

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Posté 19 juillet 2012 - 01:40

ENIVREZ-VOUS

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.

Charles Baudelaire (Les petits poèmes en prose)


#16 hirondelle

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Posté 19 juillet 2012 - 03:15

L'homme et la mer


Homme libre, toujours tu chériras la mer!
La mer est ton miroir, tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais a plonger au sein de ton image;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets;
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes;
O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets!
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remords,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
O lutteurs éternels, O frères implacables!



#17 Cyraknow

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Posté 20 juillet 2012 - 06:20

Je m'incline devant tant de beauté et d'écriture talentueuse, sinon, à force de surenchère, la totalité de ces oeuvres y passera.
Chapeau Bas.

#18 hirondelle

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Posté 21 juillet 2012 - 07:44

Baudelaire est mon poète préféré. J'aime plusieurs poèmes de cet auteur. J'ai lu son poème pour la première fois quand j'allais encore à l'école secondaire. C'était Le Chat (Viens, mon beau chat). Je ne connaissais pas bien le français mais j'ai bien compris le sens et la musique de ce texte. Et je l'ai adoré. Plus tard je lisais ses autres textes mais c'était déjà à l'université.
En fait il y a quelques textes de Baudelaire sur les chats. Voici encore un. Il porte aussi le titre "Le Chat''


I
Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n’a pas besoin de mots.

Non, il n’est pas d’archet qui morde
Sur mon cœur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu’harmonieux !

II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu’un soir
J’en fus embaumé, pour l’avoir
Caressée une fois, rien qu’une.

C’est l’esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux, vers ce chat que j’aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.

#19 Victorugueux

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Posté 21 juillet 2012 - 10:29

Hi Hi Hi Hi-ron-d'elle

#20 Cyraknow

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Posté 21 juillet 2012 - 11:02

C'est bien la première fois que je vois une hirondelle aimer les chats!
hirondelle oisillon (3) redim.jpg
Mais blague à part, tu as raison, Hirondelle; Baudelaire est l'un de mes poètes favoris en langue française, à moi aussi.
Cela dit, j'aime énormément Aragon, également.

#21 hirondelle

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Posté 21 juillet 2012 - 11:18

Oui bien que je sois une oiselle, j'aime les chats. C'est comme le jour et la nuit.

Les Chats
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;

Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

#22 Cyraknow

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Posté 21 juillet 2012 - 12:17

Je te présente les miens: http://www.toutelapo...ry-12755-chats/
dans l'article, tu trouveras le lien vers un poème que j'ai écrit, inspiré par celui que tu viens de mettre .

#23 hirondelle

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Posté 21 juillet 2012 - 12:38

Je te présente les miens: http://www.toutelapo...ry-12755-chats/
dans l'article, tu trouveras le lien vers un poème que j'ai écrit, inspiré par celui que tu viens de mettre .

J'ai lu les textes. Bien écrit...

#24 hirondelle

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Posté 21 juillet 2012 - 08:04



#25 Cyraknow

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Posté 21 juillet 2012 - 09:13

Quel meilleur interprète pour le sublime Baudelaire que l'inégalable Léo Ferré? C'est magnifique.
J'ai tellement écouté le 33t dont ce texte est extrait qu'il grésille et crachote, malgré tous les soins que j'en ai pris...

#26 hirondelle

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Posté 22 juillet 2012 - 07:56

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