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Ma Vocation


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#1 Marygrange

Marygrange

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Posté 11 février 2010 - 02:58

Aus disparus et présences de l'âme -premiers textes.
Ma résilience -Aux disparus et présences de l'âme, suite.


« Tous les éléments d’une culture complotent contre le développement de l’individu artiste qui a été assez téméraire pour se mettre lui-même en marge afin de répondre à ce qu’il croit être une vocation. », Jim Harrison.


J’aime beaucoup cette phrase du poète américain issue de ses mémoires « En marge ». Je crois, en effet, qu’un artiste, qui sonde son esprit afin d’en tirer l’image personnalisée de ce qu’il reçoit du monde qui l’entoure, est en constante lutte contre un ordre établi. Pour s’exprimer avec son intelligence pure, je pense qu’il faut se mettre en décalage des idées reçues et autres influences extérieures. Même s’il faut s’en inspirer. Nous devons prendre conscience et converser avec notre intérieur. Ce sont ces soliloques qui font écrire les écrivains et créer les artistes.
Je ne sais pas qui je suis du fait d’être en mouvance continue. J’aime me laisser porter sur les vagues du temps, par mes sentiments, mes idées, mes pensées qui s’échappent trop souvent avant de pouvoir les retenir. Tout bouge certes, même avec la paralysie de mes jambes et ce que cela comporte de sédentarité, mais pas comme le souligne Jim Harrison lorsqu’il recommande de se remuer pour « titiller nos neurones et nous entraîner vers une existence inattendue », marcher et se balader en voiture. Il a raison, mais comment s’y prendre lorsqu’on est handicapé ? Le seul moyen que j’ai de me promener est de rêver et de méditer regardant par la fenêtre les immeubles d’en face. Je sais combien le talent d’un écrivain se nourrit de rencontres, de voyages et de lectures, et que sans cela il souffrirait au point de ne paraître de toute la vie. Mon esprit éprouve une véritable soif de savoirs pour engendrer les œuvres de l’imagination, mais je sais combien elle ne peut s’étancher par mon physique, mon attitude défaitiste et la société non adaptée aux personnes comme moi.
Quand je pense que je ne peux me rendre dans une bibliothèque, cela me fait frémir et silencieusement pleurer. Je n’ai pas assez de place chez moi ni d’argent pour engranger les nombreux livres qui abreuvent la pensée. Certes il y a les documentaires à la télévision, il existe d’excellentes chaînes câblées, et Internet. Mais ce n’est pas suffisant, il faut expérimenter et étudier. Je n’ai plus la force ni le courage de reprendre des études. Il faut me contenter de ce que j’ai et peux acquérir à moindre frais. Plus qu’un complexe, j’ai le terrible sentiment de ma médiocrité, et celui d’avoir à l’intérieur de moi une entité affamée d’existence. Je n’aurais jamais pu élever un enfant. Je ne peux soigner ma personne comme la nature l’exige. Mais c’est mon rôle de la faire vivre quand même. Sinon autant mourir intégralement.
Hélas, devant l’inertie créée par l’ennui du désœuvrement, on perd pieds bien vite. On s’adonne aux passe-temps, aux heures à rêver en boucle, et par moments on ressasse les mauvais sentiments. Finalement on réagit en faisant quelque chose qui nous rapproche des gens peut-être. On peint, ou écrit... On exerce son intellect avec l’humble espoir que le résultat soit recevable. Il faut le faire car c’est vital.
Moi, je ne me suis pas mise en marge afin de répondre à ce que je crois être une vocation, pour reprendre les mots de Jim Harrison. C’est ma marginalité qui m’a plongée dans l’écriture qui elle, c’est vrai, doit se pratiquer en marge. Aujourd’hui, grâce aussi à l’auteur de « Dalva » et de « Légendes d’automne », je me sers enfin de mon état pour sortir les mots qui parcourent à longueur de temps ma pensée.
Boris Cyrulnik a raison en disant que le deuil ne se fait pas en oubliant. Il se fait en racontant. Quand j’aurai écrit suffisamment, je serai libérée, mes deuils seront faits. Si je m’acharne sur les questions de mon âme, c’est pour mon bien. C’est pour qu’elle connaisse la paix lorsque viendra mon dernier jour.