Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
Mes plus douces pensées,
Celles que je te dis, celles aussi
Qui demeurent imprécisées
Et trop profondes pour les dire.
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire - Les heures claires - Émile Verhaeren (1855-1916)
Tout poème s'écrit en dédicace,
De mots abandonnés au souvenir,
Mais l'attente d'Argos* ne peut finir,
La mémoire est une île où tout s'efface.
Vieil aède, ta voix, jamais ne lasse,
Ton verbe est bel et doux à retenir,
D'un éclat franc que rien ne peut ternir,
C'est le poil noir et dru d'un chien de chasse.
La main aime parfois à caresser
Tout ce temps allongé pour paresser ;
Argos, faut-il bénir, faut-il maudire ?
Attendre est une mort où tout renaît,
L'amour réserve encore un clair sonnet
A dédier à tes pleurs, à ton sourire.
*Argos, ou Argus, le chien fidèle d'Ulysse