Dans les maisons riches, les palais de miroirs,
Se voit souvent des masques en fiers accessoires.
Chienlit de carnaval ou lugubre épouvante
Aux yeux blêmes et froids, dont la laideur savante
Qui son maître conquit, montrent qu’au fond de nous
Dorment bien enlacées et la science et la boue.
Ramassées au hasard dans des lointains bazars,
Sur leurs clous de pendues à leurs raides remparts
Ces drôles cagoules à modèle imprévu,
Façonnées pour blaguer ou pour des m’as-tu-vu,
Reçoivent des compliments, des oui enjôlés,
Des critiques épris des connaisseurs zélés.
Qu’il nous est fort chanceux qu’à ces échappatoires
Nous puissions transposer le poids de nos déboires.
N’est-il pas transparent que notre vie entière
—Artisans apeurés de nos formes grossières—
Se consume à gréer des masques d’occasions
Que nous vêtons en opportunes locations ?
Le parfum et le fard autant que la grimace
Qu’accompagnent les discours poivrés de malice
—Superflus madrigaux mais bien de convenance—
S’allient aux mascarades qu’on nomme décences.
L’immense panoplie de nos talents d’acteurs
Grossit avec le temps—inflexible graveur.
Comme un terrain ingrat creusé par l’érosion
Ou qu’une tornade détruit par explosion,
Tel on voit des lambeaux de la fâcheuse ruine
Des formes que le temps inflige à nos bobines.
L’implacable nature impose ainsi des masques
Sur le panorama des lacis et des plaques
De l’argile illusoire appliquée à nos os.
Le masque de la mort, ainsi qu’au bal des sots,
Tout le long de la vie—comme seul voit le poète—
Flegme et détaché dans sa patience muette
Et son rire figé, resplendit ses couleurs
Sur l’étoffe éphémère inondée des douleurs.
Sash

Les Masques
Débuté par Sash, juil. 08 2012 07:25
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