CLAMEURS
(04/04/06)
Le droit est dans la rue, mais le chemin tordu
Et de billevesées et de coquecigrues
On se gargarise la gorge et les poumons.
De slogans éculés on se fait des raisons
Et pourvu qu'on objecte alors on se rassemble
Car afin d'être soi, il vaut mieux être ensemble.
Et par démocratie, puisque l'on s'en prévaut,
On marche en rangs serrés comme de pauvres veaux.
On occupe la rue, on barre les entrées
A qui voudrait encore pouvoir travailler.
Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse
Du moment qu'on défie ce qui n'est que justesse.
De sa révolution on fait un paradis
Dès lors qu'on croit avoir gagné tous les paris.
On a eu les cités, on a eu les banlieues
Voici les défilés d'étudiants peu studieux.
Le mot de liberté, versé à toute sauce,
Récuse par lui seul ce qu'est l'autorité.
De tout excès par là d'avance on se défausse :
La rue est le creuset de toute vérité.
Au nom des droits acquis il faut qu'on s'interdise
D'être encore affligé de dernières balises.
De l'école bien sûr on a gardé l'image
Que tout était ludique et rien n'était mirage :
Notre pédagogie s'est voulue salvatrice
En fossoyeur de son rôle d'institutrice :
Parole libérée, mais vide de pensée,
Apprendre à apprendre sans complément d'objet.
Et du laisser-faire aux diplômes tous bradés
Nos "jeunes" se sont très vite persuadés
Que tout leur était dû et sans compensation.
Qu'un obstacle surgisse, ils gueulent "démission !"
Discipline et travail sont jetés aux orties
La révolte est prônée en porte de sortie.
Et l'Etat-Providence donne tous les droits
Sans que l'obligation n'advienne dans la loi.
On s'est si bien épris de tous ces droits acquis
Qu'ils chevillent au corps en sacrement exquis.
La clameur se mue-t-elle en torrents orchestrés,
La faute incombera à quelques excités.
La vache à lait est traite et jusques à la lie
Par tous ces assoiffés qui sans pudeur se lient
Et contrent pour contrer la piètre gouvernance
Du généreux pays que restera la France.