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Jouissance cartographique...


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#1 Paname

Paname

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Posté 23 mars 2007 - 07:56

Ah, les plans de Paris… ! (PARIS, IX)

Je n’allais pas tarder à les avoir en tête, du moins dans leurs grandes lignes, et suffisamment pour pouvoir me passer d’eux sur ton terrain, cher Paris. Si nécessaire, les plans ne manquaient pas dans tes lignes de métro, et le grand détail de tes quartiers était toujours donné à la sortie de leurs bouches.
Impossible de ne pas savoir que…« Vous êtes ici » !

Ton plan devenait donc, pourtant ville capitale, de moins en moins capital pour moi, et j’avais maintenant en poche des feuilles légères et facilement pliables bien plus pratiques pour mes déambulations de toi.
Tes merveilleux plans seraient dorénavant réservés à la sage, confortable et rêveuse étude, mais bien au chaud de mes pénates, et jamais plus au vent de tes carrefours.
Que ce fut pour préparer des itinéraires de bonheur pour des séjours et visites précis, plus souvent pour le seul et gratuit plaisir de naviguer au gré de mes rêves de toi, ou pour raviver mes souvenirs de la structure de tel de tes quartiers, raffermir ma connaissance de ton passé, redécouvrir tes espaces mal connus, découvrir tes inconnus, bref, pour renouer les grands fils de ton écheveau splendide dans son redoutable enchevêtrement, j’ai toujours pris un immense plaisir, depuis ce Noël 1960, à tout bêtement lire tes plans.

Plans de toi aujourd’hui, bien sûr, il le faut bien.
Mais aussi et surtout, dans mes rêveries de toi au passé, plans de toi hier, et de toi à toutes les époques, car quand on aime, on veut tout savoir, on veut tout pouvoir comprendre.
Et tout ce qui fut, au fil des siècles, transformé de toi, agrandi de toi, magnifié de toi, ou au contraire abandonné de toi, oublié, nié, disparu, assassiné de toi, reste et restera toujours aimable de moi, car, tout simplement, ce fut toi…

Et les plans historiques où apparaît la bonne vieille Maison aux Piliers à la place de l’Hôtel Delanoë, où la Fontaine des Innocents n’a que ses trois côtés, toute accolée qu’elle est encore à la muraille, où aucune rue de Paul Féval ni d’Eugène Sue n’a encore disparu sous le pic pour faire place à police et tribunal, où l’ancestral et sinueux cardo de ta première colonne vertébrale croisée entre Saint-Honoré et Saint-Martin, n’est pas encore doublé du large et parfait rectiligne de ta nouvelle croix Rivoli-St Michel, bref, tous ces plans de ton histoire, je les aime d’avance, je les envie, je les rêve, je les recherche, je les achète quand je les trouve.
Je les collectionne, je les thésaurise, je les révère et je les adore.

Et même si je reste bien sûr des mois sans les sortir de l’obscurité pour les faire revivre sous la lumière de mon bureau, je sais qu’ils sont là, à portée de main comme d’esprit, dormant peut-être, à l’abri définitif de la poussière d’où je les ai pour la plupart tirés, mais en tout cas je les sais là, disponibles, potentiels de plaisir, n’attendant que ma décision pour livrer leurs beautés et les détails infinis de leur richesse topographique.

Certains, les plus vieux donc les moins fiables, je les exhume surtout pour le plaisir des yeux.
L’approximation de leur représentation spatiale et le flou trompeur de leurs indications m’importent peu.
Si je les aime, c’est pour la beauté de leurs enluminures, le détail pictural et ornemental, le quasi moyenâgeux de leur calligraphie, le vif dessin à la plume des scènes agrestes qui y cernent tes remparts, et leurs abbayes perdues en pleins champs portant pourtant le nom de tes actuels faubourgs.
Je les chéris pour la grossièreté même de leurs fausses proportions dans le naïf rendu de tes monuments principaux, l’allure maladroite qui se dégage des balourdes gaucheries de l’arpenteur et du graveur réunis.

Bref, tes premiers plans, mon beau Paris, depuis ton origine jusqu’au dix-huitième siècle de Louis XVI, je ne les mesure pas comme architecte, je ne les regarde pas comme touriste, mais je les compulse comme apprenti historien.
Et surtout je les aime comme rêveur, je les goûte comme esthète, je les respire comme amant humant sa dame, et je t’y fais l’amour sans m’occuper vraiment ni du lieu qui nous voit, ni du temps qu’on y passe…

Paname