JiPéKa dans sa graphie si originale et si singulière continue son travail de dysorthographie. Il y a en effet torsion du conventionnel puisque sa poésie est puissante à tel point quâelle déborde sur la morphologie des mots eux-mêmes. Et lâon sâen tiendra pour lâheure aux nouveautés syntaxiques de son dernier recueil : graphie revisitée : chewox, mots écourtés : berlüé, limenté, mélioré, apport de lâaccolade pour séparer les syllabes et insister sur la diérèse ou forcer le âe muet : grâci[eux, ri[en, la suit[e, ⦠La grammaire bien entendu nâest pas oubliée : Jâattendre, jâarpentas, où ssâkâon⦠Il lui arrive de terminer ses poèmes par deux points (:), ce qui fait soudain déboucher la lecture dans le blanc qui suit, vaste zone improbable et floue. Et je ne parle pas de lâart très personnel de lâenjambement grâce auquel on reconnaît le poète au premier coup dâÅil.
Chaque page ainsi traitée garde néanmoins son apprêt lyrique. Jean-Paul Klée pourra parler aussi bien du lointain Orient que du moucheron sous ses yeux, il le fera avec autant de cÅur, de délicatesse et dâimagination. Nâimporte lequel de ses poèmes se rapproche au plus près des enluminures, les dorures résidant cette fois dans les mots et les vers. Deux thèmes reviennent davantage : lââge et la mort dâabord, et sâil note les dégradations physiques, ce nâest pas pour sâen plaindre, il loue même le bonheur dâêtre en vie qui lui reste, mais la mort est bien présente et il en parle familièrement comme pour mieux la domestiquer ; ensuite, son Åuvre débordante et le désordre quâil nâarrive pas à résorber et que dire de la joie de retrouver une liasse de textes (800 feuillets !) écrits à 17 ans et de se relire et de redécouvrir. En outre, il y a toujours autant de verdeur chez lâauteur, né en 1943, et une facilité surprenante pour exprimer le charnel Ce troussement de lâintime⦠dans un poème extraordinaire : « Lâardente roseraie ». Enfin, pour exemple, cette accumulation dâadjectifs caractéristiques du grand auteur alsacien :
â¦absorbés palourdés tricotés balüz
ardés ratiminis caliminés chahütés ou
canardés troués rapiécés kalfeu
très carottés mansardés gamahü
chés bombardés amenuisés vagu
ement floués nourris astik
otésâ¦.
Le lire tout au long dâun recueil dans sa diversité demeure un délice unique.
Jacques Morin
Jean-Paul Klée, Décembre difficile, Belladone, 2017, 111p. 12 ⬠; sur le site de lâéditeur où lâon peut lire un extrait du livre.
voir aussi ces extraits du livre dans anthologie permanente de Poezibao. On pourra aussi relire les cinq entretiens avec Jean-Pascal Dubost : entretien avec Jean-Paul Klée par Jean-Pascal Dubost (1, 2, 3, 4 et 5 avec PDF)
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