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Le métro


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6 réponses à ce sujet

#1 recreation

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Posté 17 janvier 2008 - 10:34

Le métropolitain est un réseau urbain
C’est un monde souterrain où circulent des trains
C’est le pain quotidien de tous les franciliens
Ils le prennent le matin pour aller au turbin

Et plus tard en soirée pour aller prendre une douche
On descend au métro car s’il n’a pas de cœur
le métro à une bouche qui dégage une odeur
il renferme des guichets qui vendent des tickets

de multiples escaliers et des galeries sans fin
des passages obligés pour arriver à quai
Là il faut patienter quand le métro arrive

Deux grandes portes s’ouvrent et vous pouvez monter
Au contraire en descendre rien de bien compliquer
C’est d’ailleurs si commode qu’on le prend en commun

Alain
http://www.mespoemes.net/recreation

#2 bibi

bibi

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Posté 17 janvier 2008 - 01:02

Merci pour les infos sur le Métro,

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bibi 2008

#3 recreation

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Posté 17 janvier 2008 - 01:13

Merci Bibi sur le métro
on en sait jamais trop

Alain

#4 Invité_Apocope_*

Invité_Apocope_*
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Posté 17 janvier 2008 - 08:12

Métro poli pour être honnête...

#5 Paname

Paname

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Posté 17 janvier 2008 - 08:45

J'espère, Alain, que tu me pardonneras de venir squatter ton métro avec le (vieux) mien...


♫♪…Que reste-t-il ♫♪ de mon métro…♪♫… ?

Ce vieux métro enchanteur de 1960 n’existe pratiquement plus que dans mes souvenirs, et les seules traces qui en sont encore visibles aujourd’hui ne tiennent plus qu’à deux choses : les milliers de mètres carrés de cette faïence blanche qui, malgré les changements de décor fin de siècle souvent réussis, tapissent encore la paroi ovoïde de bon nombre de stations.
Cette faïence hégémonique leur conférait alors, et à toutes sans exception, des allures d’oasis luisantes de lumière au reflet infini. Ce qui cadrait fort bien avec un des goûts dominants de l’époque pour le brillant, celui du formica par exemple, qui allait pour vingt ans bannir des intérieurs familiaux moyens le bois rustique de nos grand-mères.

Le seul autre rescapé encore présent, et dont il reste beaucoup d’exemples, sont les immenses moulures rectangulaires de stuc peint qui continuent d’épouser la courbe des parois de beaucoup de stations, pour y délimiter l’espace réservé aux publicités.
Puisqu’on ne pouvait couper à l’invasion envahissante de cette logorrhée muette, qu’au moins l’on nous garantisse un cordon sanitaire et qu’on lui marque ses limites !
D’où ces vastes placards organisant l’assaut ordonné des voûtes des stations, virtuels compagnons d’évasion et de rêves pour le travailleur-voyageur d’en bas, et qui contribuent à donner son look au métro parisien.

Quant à ses autres signes particuliers….Envolés !
Les poinçonneurs et leur casquette, les poinçonneuses et leur calot taille unique,
responsable de bien des portraits saugrenus ?...Disparus !...Leurs loges-guérites-habitacles de fonction ?...Place nette !...Leurs conversations, par-dessus les voies et sur leur tricot trompeur d’ennui, en attendant les rames paresseuses des heures creuses ?...Elles ne résonnent plus le long de la faïence nue de la voûte silencieuse…
Et les rames rouges et vertes ?...Plus de rames bicolores!
Mais qui se plaindrait de la disparition de cette première classe aristocratique dont les wagons rouges rarement surchargés et souvent vides s’immobilisaient toujours à mi-quai ?
Certes, à l’affluence des heures de pointe, il n’est donc plus possible de tricher en « montant en première » pour préserver son espace vital ou tout simplement pouvoir faire entrer ses valises…
Pratique, mais risqué ! J’avais un jour suivi mon oncle, les mains pourtant libres de tout encombre, dans le délit de ce défi. Parisien usager, régulier et forcé, de la ligne 9 Pont de Sèvres-Mairie de Montreuil, pour se rendre à sa boite entre Boulets et Charonne, il avait ce jour-là fait mentir sa placidité légendaire en pétant inexplicablement un plomb de folie rebelle et provocatrice : il m’avait subitement entraîné en première !
Hélas, à une station de notre descente, la RATP avait fait monter dans notre wagon sa justice vengeresse en la personne d’un agent contrôleur, spécimen d’une race de nos jours frappée de totale extinction, mais qu’elle employait encore à cette époque bénie où le chômage, ceci expliquant sans doute cela, était idéalement à son plus bas.
Le rouge de ma honte avait été aussi vif que celui du wagon interdit…
Exit donc les voitures de première classe, et personne ne s’insurgera contre la classe unique d’aujourd’hui, pourvu que les progrès du confort s’y fassent sentir.
Ce qui est le cas.

La première rame sur pneus allait seulement faire son apparition dans les années soixante, et je garde en mémoire les secousses pour tout le monde, et les équilibres, périlleux, que les passagers debout devaient constamment songer à conserver. Surtout dans les virages raides et grinçants aux cahots brusqués dus aux tronçons sinueux de lignes au profil plus chaotique.

Des Dieux qui nous conduisaient…

Je montais souvent en tête de la voiture de tête, pour m’installer au plus près du chef de train, un Dieu !
Et, si je pouvais cumuler la chance, je prenais place contre la vitre séparant du conducteur, isolé dans sa cabine de pénombre. Le tableau de bord luisait dans l’ombre et un peu le mystère, et mon œil de jeune adolescent transformait la rusticité de l’appareillage technique en poste de pilotage high tech digne des vaisseaux spatiaux intergalactiques. Le curieux « manche à balai », qui tenait plutôt du manche de moulin à café turc, ne laissait pas de m’intriguer.
Depuis ma position stratégique, je ne perdais pas une miette des faits et gestes des deux grands hommes en charge de la rame. Et si les reflets de la vitre et l’obscurité de la cabine me rendaient plus délicate l’observation du machiniste, je me vengeais en étudiant tout du chef de train, à deux pas de moi.
A force d’observer sa technique, d’analyser l’enchaînement de ses interventions, j’aurais bientôt pu le remplacer.

Et quel homme que cet homme !
Le déverrouillage des portes, agrémenté du bruit de piston chuintant des petits vérins de décompression longeant à l’extérieur les vitres encadrant les portes, c’était lui ! L’avertisseur sonore de départ, c’était lui ! Les rappels à l’ordre aux retardataires par petits à-coups de portes interposés, lui aussi ! La définitive et impitoyable fermeture des portes en cascade, encore lui! Le verrouillage des issues avant l’arrivée en station, toujours lui!
Qui avait le privilège de disposer d’une porte jamais verrouillée, qu’il maintenait négligemment ouverte pour lui permettre de rester, surhomme, à moitié en dehors du train, gardant sa rame sous sa coupe jusqu’à ce que la dernière voiture ait quitté la station pour le tunnel ? Lui, bien sûr! Qui enfin jonglait avec une aisance déconcertante entre son strapontin, son boîtier de commande, son France Soir plié en mille, son loquet personnel et ses debout-assis quasi automatisés? Encore et toujours lui !
Que n’aurais-je donné pour faire ce métier de chef de train ! Toute une rame de métro de Paris à ma botte !
Le rêve !

De la nostalgie du charnel…

Et dans ton métro fabuleux, tous mes sens étaient sollicités.
D’abord imprimés dans ma mémoire, et de manière délicieusement indélébile, le bruit.
Celui de la traction de la rame, caractéristique, et qui s’est évanoui à jamais, sauf quand l’essoreuse à salade de ma cuisine entre en action. Encore une madeleine piquée à Proust…
Celui aussi, bruit métallique fréquent à l’origine inexpliquée, comme le tintement de chaînes agitées le long des tunnels par des gnomes malfaisants et des génies souterrains, et qui accompagnait le moindre passage plus tortueux, pour disparaître dès que le boyau redevenu rectiligne permettait à nouveau la vitesse.
Dans le rapide défilement des flaques de lumière que des ampoules téméraires espaçaient régulièrement pour découper les ténèbres inquiétantes.
Celui encore, son de trompette avec quelques variantes plus ou moins bouchées, qui annonçait la fermeture des portes.
Et surtout, en cascade soudaine déferlant tout le long du quai, le vacarme de la fermeture des portes elles-mêmes, sèche, brutale, définitive.
Amplifié par celui du verrouillage saccadé des loquets claquant comme dominos de métal s’affalant de proche en proche.
Le tout précédant d’une seconde l’arrachement progressif et laborieux de la rame brinquebalante, qui entonnait son crescendo d’essoreuse à salade.
Je baignais aussi dans son odeur avec ravissement. Indéfinissable, à nulle autre pareille, j’en jouis encore aujourd’hui avec délectation. Les détours des interminables couloirs de mes longues correspondances me surprenaient d’effluves annexes variées, allant du parfum féminin jusqu’aux marrons grillés.
Monté en sueur dans ma nouvelle rame, je restais un moment debout pour goûter le souffle de l’air plus frais du tunnel qui s’engouffrait par le toit du wagon, ajouré à cet effet sur tout son pourtour.
Je m’asseyais enfin, et mes fesses se souviennent encore de la sécheresse et de l’inconfort des sièges de bois plein dont la rigide minceur ne risquait pas d’épouser la moindre de mes formes !
Souvenirs charnels encore vivant du bois dur de ces banquettes et de leur vernis si lisse que les glissements dans les virages et les à-coups vous obligeaient à de perpétuels efforts de contraction anatomique, bien plus profitables à votre gymnastique abdominale qu’au relâchement douillet qu’exige un repos mérité.
Assis sur une telle surface, seule, je suppose, la nudité totale aurait pu garantir de rester en place sans effort. Mais je n’ai jamais vu personne tester cette supposition…
Le dos de ces banquettes de bois était invariablement décoré de fines grecques géométriques dont mon œil, pour passer le temps, s’efforçait de suivre à chaque coin la belle et compliquée logique de leurs rubans en labyrinthe.

Mon regard était aussi attiré par des pancartes qui devaient faire passer les Français, aux yeux des étrangers lisant la langue, pour de fieffés rustres, dont même la RATP devait se charger de l’éducation : du genre « Il est interdit de cracher par terre » ! Fallait-il en déduire que l’on était autorisé à tapisser le plafond de ses germes en étoiles ? La RATP ne le précisait pas…
J’ai aussi en mémoire des encarts publicitaires tendance vulgarisation moralisatrice, à nette vocation éducative pour masses bassement prolétaires.
Comme le larmoyant « Papa, ne bois pas !...Pense à moi ! » qui faisait pleurer tous les wagons de toutes les rames le temps d’un campagne de pub interminable, et dont un garçonnet émacié et blafard à faire peur nous implorait dramatiquement. Le tout sur fond de ciel bleu trompeusement cherché dans un fond de bouteille de rouge…Toute une époque…

Et cette époque est révolue !
Vu les progrès indéniables des services rendus, de proximité, d’efficacité, de rapidité, de confort, et même d’esthétique, je ne regrette pas, cher Paris, l’évolution de ton vieux métro, désirée, nécessaire, et sans cesse poursuivie.
Mais cette reconnaissance méritée et cette incontestable satisfaction d’aujourd’hui, ne supposent pas que je doive oublier le charme de son caractère des années soixante, sans doute plus proche de ce qu’il avait été pour mes grands-parents de 1910 que de ce qu’il sera pour mes petits-enfants de 2010 !

S’il m’est donné dans mes vieux jours de leur faire découvrir un métro moderne et pleinement de leur temps, je suis sûr d’avoir encore et toujours au cœur, et en silence, l’émotion et le bonheur de celui que j’ai apprivoisé et appris à aimer, pour l’aimer toujours, en ces vacances de Noël 60.
Et même s’il ne reste plus de ce « métro rétro » que la vague odeur, il continuera, comme disait mon oncle, de « puer » tout son émerveillement et sa magie, dans mes narines restées pour lui adolescentes.

Paname

#6 recreation

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Posté 17 janvier 2008 - 09:11

Nostalgie Nostalgie

te souviens tu des autobus à passerelle que l'on pouvait attraper en courant et du contrôleur qui distribuait les tickets debout à l'arière et actionnait une sonnette en tirant sur une chaîne afin qu'il redémarre. Une odeur m'est restée mais que je ne retrouve plus quand je monte à Paris mais quand je marche dans les rues je m'attends toujours à la rencontrer. Il faut dire que j'étais malade en autobus .Je me souviens très bien des vieilles rames de métro et des vieux trains de banlieue

Alain

#7 Paname

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Posté 17 janvier 2008 - 11:30

te souviens tu des autobus à passerelle que l'on pouvait attraper en courant et du contrôleur qui distribuait les tickets debout à l'arière et actionnait une sonnette en tirant sur une chaîne afin qu'il redémarre.


Si je m'en souviens !
J'ai posté ce qui suit (comme pour le métro d'ailleurs) sur TLP l'an dernier, mais peut-être ça t'avait échappé. Tu me diras, si tu veux, si ça correspond à tes souvenirs.


De Profundis Monotobus…


Mon autobus parisien des années soixante a bien évidemment lui aussi disparu.
Il y a peu la RATP a eu l’idée subtile de s’autocongratuler en mettant sur roues une formidable rétrospective de ses autobus parisiens.
Depuis les hippomobiles ancestraux jusqu’aux diestérisés les plus révolutionnaires, toute l’évolution de cet incontournable moyen de transport, un temps concurrencé par l’indispensable et nouveau métro, y était illustrée en long, en large et en travers.
Je me précipitai.
« Mon » autobus était bien là. A sa place dans la chaîne du temps.
Je l’identifiai immédiatement.

Sa face écrasée de bouledogue renfrogné mais sympathique qui, repeinte en rouge éclatant, n’aurait pas fait tache dans le flot ininterrompu du Strand londonien…
Son chauffeur (je crois qu’à l’époque, on disait machiniste) si haut perché à son poste que ses genoux apparaissaient à hauteur de la vitre plus près de son menton que des pédales, la main droite rivée en permanence sur un changement de vitesse qui tenait du bâton de ski et méritait bien l’appellation de manche à balai…
Les deux longs côtés du véhicule où courait le résumé détaillé de l’itinéraire de la ligne, suite sibylline de lieux mythiques dont il ne me faudrait pas longtemps pour devenir moi aussi l’heureux initié.

Et enfin, et surtout, la fameuse plate-forme arrière qui tenait de la poupe d’un bateau de plaisance démodé, et où vous pouviez choisir de rester à l’air libre pour une des plus fabuleuses découvertes du Paris urbain…

Oui, je les aurais repérés entre mille, cette face et ce profil tout pareils à ceux de mon cher « 74 » !
Le numéro 74, je le prenais au coin de la rue La Bruyère et il m’entraînait vers le
Louvre dans un étonnant zigzag apparemment aléatoire et tout entier dû à la fantaisie du chauffeur, mais dont la logique me sauterait aux yeux dès ce soir, quand le Taride m’en donnerait l’illustration imprimée en couleur.
Quand il faisait beau et que mon porte-monnaie était d’accord, je le préférais donc parfois aux boyaux aveugles de mon métro.
Mais il fallait qu’il fasse bien froid pour que j’aille m’asseoir à l’intérieur.

Tout l’intérêt que je trouvais à l’autobus, et son seul véritable avantage sur le métro, consistait bien à découvrir les rues, leurs enfilades, les perspectives monumentales, les raccourcis que je pourrais utiliser à pied, bref, à affermir ma géographie de la capitale tout en admirant ses grands fleurons architecturaux.
Je payais d’ailleurs assez cher cet avantage sur le métro, et de deux façons.
Par le prix des tickets d’abord, proportionnel à la longueur du trajet, quand un seul suffisait à me faire passer des heures sous terre, tant que je ne remontais pas à la surface.
Et ensuite par le temps le plus souvent perdu dans le Paris de l’époque, dont je me souviens que les feux de signalisation n’étaient pas encore partout venus remplacer les sergents de ville préposés à la circulation.
Mais mon seul but n’était-il pas justement de ne pas me presser et de m’en mettre plein les yeux ?

La meilleure place ne pouvait donc être que sur la plate-forme arrière.
J’en revois encore le caillebotis caractéristique, l’entrée, bien haut placée pour la jambe raide des petits vieux, entre les deux belles courbes de la carrosserie. La plupart des voyageurs s’y adossaient pour lire leur France Soir quand moi, je m’y appuyais nez face au vent de l’extérieur et face au spectacle de la rue.
Je me tenais là comme au bastingage du navire en partance pour Cythère et, assoiffé, je buvais la mer parisienne.
Quand la portion de trajet m’était bien connue, celle de mon 74 par exemple, je me tournais comme mes voisins vers l’intérieur et reportais alors toute mon attention sur la personne magnifique du receveur.

Ce grand homme disposait de trois attributs principaux :
la « chaîne » qui se balançait au dessus de sa tête et qu’il commandait énergiquement, non pour déclencher je ne sais quelle chasse d’eau dissimulée dans la tôle protectrice de l’auvent, mais pour actionner la sonnette donnant le feu vert au machiniste en lui signalant, grâce à une vingtaine de mètres de câble, que le dernier passager était monté à bord.
Son second attribut tenait au simplissime système de sécurité consistant en une forte chaîne gainée d’un cuir épais qu’il décrochait pour libérer le passage, et qu’il raccrochait pour en barrer l’entrée juste derrière le dos du dernier passager qu’il avait décidé d’accepter.
En cas d’affluence aux heures de pointe, c’est lui qui s’adossait à la chaîne qui seule le séparait du vide. Combien de fois n’ai-je pas craint un incident d’arrimage qui l’aurait précipité sur le pavé qui filait sous nos pieds…Quel homme !

Combien de fois non plus n’avais-je pas envié le parisien en retard qui courait derrière son bus, ou profitait d’un arrêt ou d’un ralentissement momentané pour monter en catastrophe en décrochant lui-même la fameuse chaîne avec dextérité !
Une dextérité garante de réussite qui seule l’autorisait à braver cet interdit, en anticipant sur la supposée bonne volonté du receveur occupé dans le bus à ses fonctions d’encaissement.
Car il ne chômait pas le gaillard !
Pas question encore de composteurs libérateurs, mais au contraire, des carnets
de tickets à vendre, des renseignements à donner, des billets à valider dans la grosse caisse enregistreuse de métal luisant qui lui alourdissait la ceinture, et dont il tournait magistralement la manivelle oblitératrice au bruit si caractéristique.
Et tout cela en évitant les cahots et les brusques changements de direction déstabilisateurs grâce à un sens de l’équilibre et de l’anticipation inimitable.
Et sans compter les allers et retours incessants à la plate-forme pour présider à l’ouverture-fermeture de chaîne et au tirage de chasse d’eau…
Un maître, vous dis-je, que ce receveur !

Quel honneur parfois, en son absence, de détacher moi-même la chaîne pour permettre l’entrée d’un retardataire isolé !
Et quelle gratification, reconnaissance suprême, de voir cette aide reconnue par un petit signe complice, voire un sourire !

Ah, quel parisien j’étais ! Et si fier de l’être !
Je n’aurais certes pas pu conduire ce bus, dans la fourmilière des rues parisiennes de l’époque, mais sans aucun doute aurais-je pu y jouer au receveur…
Et peut-être aussi bien, si possible, que je me voyais déjà faire le chef de rame dans le métro.
Mon avenir me semblait assuré et, en cas de nécessité, absolument tout tracé !
Adieu, beau vieux 74, et adieu tous les autres !
Vous avez bien mérité de la capitale…

Vos rejetons nous font gagner en confort, certes, mais plus question de humer l’air de la rue en plate-forme arrière ou de parler au receveur : vous compostez, et vous vous entassez derrière des vitres embuées qui ne permettent plus la moindre découverte ou le plus petit repérage.
Plus question non plus de profiter d’un arrêt imprévu pour gagner cent mètres en prenant la liberté de décrocher la chaîne et de descendre presque en marche : vous êtes maintenant enfermés en boite hermétique aux arrêts formatés, sécurité oblige.
Plus question depuis une plate-forme de regarder défiler sous vos pieds les arcs magiques de régularité du pavé parisien planté avec art, dessinant ses belles arabesques en fonction des changements de direction et de la vitesse du bus.
La plate-forme serait encore là, que le pavé, lui, ne le serait plus.

Non que la révolte de 68 ait tout arraché, bien sûr, mais tout se sacrifie à l’exigence de confort, et l’asphalte a fini par tapisser de sa souplesse presque toute la surface urbaine parisienne.
A chaque intervention de voirie et réfection consécutive (c'est-à-dire sinon à tout bout de champ, du moins à tout bout de rue ou d’avenue) nos impôts paient donc une chère et nouvelle couche d’enrobé, au lieu de simplement remettre en place des pavés inusables…
Il est vrai que la machine à paver resterait à inventer, alors que l’enrobeuse nous
dévide son bitume comme de la moquette en cinq mètres, pose non comprise.
Il n’en est pas moins vrai que le pavage créerait quelques emplois utiles et d’autant plus nécessaires en temps de chômage… alors…ne pavons surtout pas !
Et puis, sait-on jamais, allez donc soulever des plaques d’asphalte pour monter des barricades, ou les découper en petits carrés pour les envoyer sur les forces de l’ordre !
Allez ! Plus de pavés ! Enrobez-moi ça !

Paname