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(Note de lecture) Valérie Rouzeau, Sens averse, par Jacques Morin et par France Burghelle-Rey (deux lectures)


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Posté 09 mars 2018 - 10:11

<p class="blockquote MsoNormal" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"><em> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...9f962970d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Valérie Rouzeau sens averse" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201bb09f9f962970d img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201bb09f9f962970d-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Valérie Rouzeau sens averse" /></a>Poezibao</em> publie aujourdâhui deux notes de lecture du livre de Valérie Rousseau, <em>Sens averse</em>. La première est de Jacques Morin, la seconde de France Burghelle-Rey.<br /> <br /> <br /> <br /><br /><br />Lorsquâon commence à lire Valérie Rouzeau, câest immédiat, deux sentiments sâimposent : la surprise et le charme. La surprise, parce que nâimporte lequel de la centaine de poèmes quâelle propose dans ce nouveau volume (après <em>Vrouz</em>, il y a six ans, chez le même éditeur) développe une structure originale. Avec des retours, des refrains, des reprises, des répétitions, ainsi quâil est indiqué entre parenthèses après le titre, ce qui confère au texte un balancement et un aspect mélodique et virevoltant qui est propre à son écriture. On est tout proche de la chanson, de la ritournelle, mais sans le soulignement de la musique, sonorités et formes suffisent. Le poème tourne et revient sur lui-même comme dans une danse de mots. Règne la légèreté dans cette poésie où lâair souffle et les airs se répondent. Et il y a toujours un côté pétillant, clin dâÅil, dans chaque vers où le jeu de mots est de mise, enté dâallusions ou de références, ce qui donne sans cesse à la lecture deux niveaux : ce qui est dit linéairement dâun côté et ce quâon peut saisir de lâautre dans les connotations et perspectives possibles et le maillage des vers. Ce déchiffrage à double entente est unique et confère à la poésie de Valérie Rouzeau tout son sel. Et ce qui en fait également tout le charme. <br /> Parmi les thèmes principaux, il y aurait à étudier ce qui constitue un bestiaire dans sa poétique. Un éventail animal très large allant des batraciens aux oiseaux, chiens et chats, veau, vache cochon, et tortue, abeille, araignée⦠La nourriture aussi très présente, cette fois. Ensuite, lâinspiration naît toujours dâun film, dâune phrase lue, dâune chanson entendue, ou encore dâune anecdote vécue, et plus cette dernière est simple, quotidienne et banale, mieux Valérie Rouzeau sait construire son poème avec maîtrise et tension. Dâautant quâelle a élu un format court, la plupart de ses textes hésitant entre la longueur du dizain et celle du sonnet. Et pour le coup, elle invente une nouvelle forme quâelle nomme <em>poèmes glanés</em> en empruntant des vers à dâautres poètes quâelle désigne en index, la difficulté étant de rendre harmonieux et fluide ce qui pouvait sembler disparate et dispersé. Enfin ce qui apparaît nouveau dans ce recueil, câest lâimportance accordée à lâavancée du temps et la soudaine gravité de lââge, revêtant doucement dâune certaine mélancolie les textes. On demeure dans les sautillements dâune plume experte et ludique, entre paronomase et comptine, mais des idées plus sombres viennent envahir les lignes de flottaison du texte en douce marée noire.<br /> <br /> <strong>Jacques Morin<br /> </strong><br /> / / / <br /> <br /> Le titre du nouveau recueil de Valérie Rouzeau rappelle au lecteur combien la poète aime travailler la langue. Elle le fait comme une paysanne travaille la terre et aime, d'ailleurs, porter des sortes de godillots, « godasses vintage ». Il faut alors ouvrir le livre pour en découvrir sa belle et originale matière et les techniques qui la renouvellent. Valérie Rouzeau y est ici virtuose de nouveau. <br /> <br /> Pas de sommaire : ni titres ni incipit. Excepté celui de « Qu'on vive » qui apparaît à la suite des douze premiers textes. Le poème liminaire aborde des sujets privilégiés par l'auteure. La musique et la danse qui n'empêchent pas une allusion à la finitude :<br /> <br /> <em>Alors on en danse en ma cuisine<br /> en ma cuisine alors on chanteâ¦<br /> <br /> Elle nâentend rien aux bruits des hommes<br /> Mais sait quâon va tous y passer <br /> </em><br /> La chanson en particulier sera « par plaisir », comme il est dit dans des notes personnelles, convoquée au fil des pages. Il faut rappeler que Valérie Rouzeau a écrit pour le groupe Indochine qui a chanté ses textes.<br /> <br /> L'anaphore en anglais « what's in a bird » du chanteur Alain Bashung, dans cette langue de finesse et de musique qu'elle sait si bien traduire, confirme ses choix en exprimant l'horreur que représente la cour des miracles d'objets qui polluent la mer et font mourir les oiseaux. L'engagement fort de la poète ne peut attendre et s'exprime ainsi au tout début de son travail.<br /> <br /> Le troisième texte peut surprendre car il est bref et composé de sept vers courts également. Mais il faut dire que le recueil contient des poèmes de longueur variée allant du quinzain à la strophe, fréquente et sans division, de quatorze vers utilisée déjà dans <em>Vrouz</em> en 2012. Sans doute pour sa complétude, son rythme et sa nostalgie du sonnet classique.<br /> <br /> Puis vient le thème de l'enfance et celui aussi de la nature qui lui est concomitant avec leur magie habituelle. De l'enfance justement Valérie n'hésite pas à en avoir l'esprit surréaliste :<br /> <br /> <em>Voyons voir sâil est possible de lancer<br /> Dans lâespace lâinfini un petit cochon ailé<br /> Qui ne serait ni un missile ni une tirelire<br /> <br /> Pincez bien les groseilles puis écoutez-les<br /> </em><br /> Son amour de la nature s'étend au cosmos et notamment la Terre avec un grand « T » : <br /> <br /> <em>Jâai déjà dit cela et puis que jâaime aussi<br /> De la Terre lâatmosphère  <br /> </em><br /> Et une certaine tendresse apporte sa part de lyrisme que rythment les jeux sur les sons (« Kayakâ¦Y a quâà ! » ou « Lâheureux cas dâeurêka ») au cÅur de poèmes dans lesquels l'absence de ponctuation et des vers souvent amples favorisent le chant. Un vocabulaire varié et familier où se mêlent des expressions anglaises ajoute un charme rare à cette expression jubilatoire du langage.<br /> <br /> Après cette grande richesse des premiers textes, le lecteur pénètre au cÅur de poèmes qui sont autant de petits tableaux de vie bouillant d'idées à la fois quotidiennes et chaleureuses. Il se réjouit à l'instar de la narratrice de l'existence de nourritures diverses comme l'« Åuf en meurette » du terroir ou les « rutabagas » de la guerre. C'est ainsi que l'humour propre à la poète se fait peu à peu sentir par allusion ; il est représenté par le terme de « limerick », poème humoristique, à lâorigine en anglais, de cinq vers rimés. Par la suite le lecteur peut rire franchement au vu de certains vers et grâce encore à d'habiles jeux de sons comme dans cette chute :<br /> <br /> <em>Donc nous ne rirons plus au bois tous coucous et queues <br />    coupées /<br /> </em><br /> Le monde de Valérie Rouzeau est un art à lui seul, tel que peut l'être le monde du cirque. Avec ses fantaisies, ses personnages, ses animaux nouveaux (hirondiles et crocodelles) et sa musique :<br /> <br /> <em>Volières pianistes fossiles et et et cygne final<br /> Succède aux poules et coqs après le lion royal<br /> </em><br /> Là, tout, pour elle, est objet à réinterprétation comme « Le petit chat n'est pas mort », phrase sur laquelle elle brode joliment. Sur, par exemple aussi, des expressions appartenant au monde télévisé. Si V. Rouzeau appartient à sa terre, elle appartient aussi à la société actuelle mais telle « cette gamine sans numéro de sécu sans carte bleue ». L'emploi de calembours, néologismes, qui privilégient souvent assonances et allitérations, contribue à l'enchantement de cet univers par leur son et leur sens : « En queutant à la caisse du carrefour dit city ».<br /> <br /> Mais la poète n'oublie pas la grandeur de sa mission qui est « sublime » comme le disait Musset et peut atteindre son acmé dans une sorte de « versets » :<br /> <br /> <em>Lâarbre noir magnifique givré toutes ses feuilles envolées<br />    pourries depuis le temps quâil reste là poteau dans la<br />    nuit dâhiver longue où je mâappuie ma plante aussi </em><br /> <br /> La suite du recueil est une répétition autant des techniques que des thèmes choisis par son auteure ce qui expliquerait le sous-titre entre parenthèses. Autant de variations sur de mêmes thèmes. Valérie Rouzeau, en effet, aime la musique : « Jâaime aller dans la rue avec en tête un chant » ; elle est elle-même musicienne : « Écoute sâil pleut écoute ma chanson ». <br /> <br /> Il reste encore de belles découvertes à faire comme le « poème glané 3 ». Celui-ci rassemble des alexandrins d'écrivains célèbres dans une pièce de vers - autant de tesselles dans une mosaïque heureuse - qu'on appelle « centon », véritable dialogue intertextuel écrit « par plaisir » là aussi.<br /> <br /> Ou plus loin, à la fin de l'opus, prouvant qu'il n'y a pas que légèreté dans les choix de cette voix et témoignant d'un certain lyrisme tragique, ce beau distique sur la finitude : <br /> <br /> <em>Combien dâétés encore jusquâà mourir déjà<br /> Combien dâhivers jusquâà partir enfin<br /> </em><br /> Ce dernier recueil montre une fois encore à quel point la poète est non seulement en prise directe avec l'actualité mais aussi présente à l'ensemble du monde, dans un rêve poétique plus éveillé qu'endormi. Présence notamment fusionnelle avec la nature où elle veut trouver le double d'elle-même :<br /> <br /> <em>Je voudrais me trouver face à face un beau jour<br /> avec mon double dâécailles de plumes de fourrure<br /> Me rencontrer carpe ou truite me retrouver coucou<br /> </em><br /> Comme l'enfant qui découvre peu à peu la magie des mots, Valérie Rouzeau, les redécouvre à son tour en les recréant et balbutie un langage unique, propre à elle. <br /> <br /> L'humour, la poésie du quotidien, avec leur simplicité et leur originalité, sont au rendez-vous d'une écriture « loin du champ clos des laboratoires formalistes et des affèteries post-modernes », comme la requiert le règlement du prestigieux Prix Ganzo qu'elle a obtenu en 2015, et lui permettent de toucher un large public.<br /> <br /> <strong>France Burghelle Rey</strong><br /><br />Valérie Rouzeau, <em>Sens averse (répétitions)</em>, La Table ronde, 2018, 144 p., 16â¬. </span></p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"> </p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/zEz4GeDnFco" height="1" width="1" alt=""/>

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