(Note de lecture) Hanns Zischler, "I wouldnâ€™t Start from Here", par Marc Blanchet

<a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...9c275970c-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Hans Zischler" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201b8d2e9c275970c img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201b8d2e9c275970c-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Hans Zischler" /></a>Câest dâabord une histoire écossaise. Un homme demande le chemin de la gare à un autre, qui, en difficulté pour le renseigner, finalement répond : « I wouldnât start from here ». Ce que lâon peut traduire par « je ne commencerais pas dâici » comprend un « jâaurais aimé mieux pas commencer dâici ». Ce comique de situation, né du souci dâindiquer une direction, révèle la problématique de toute trajectoire au sein dâun paysage urbain, lâune des données essentielles de I wouldnât Start from Here. Car ce livre est une collecte dâobjets singuliers, ici reproduits : des bouts de papier délivrés par un tiers, qui par leurs écritures vibratiles, leurs dessins, leurs étranges compositions, essaient dâorienter, de guider, dâaccompagner, de représenter au mieux. Lâessayiste, romancier et comédien Hanns Zischler (auquel on doit le très beau Berlin est trop grand pour Berlin, récemment paru chez le même éditeur, et qui pareillement entre préoccupations intimes, études savantes et goût de lâarchive raconte de biais lâhistoire architecturale de Berlin) a gardé certains de ces papiers. Autant de supports variables sur lesquels, pour de multiples nécessités, se dessinent une route, des bâtiments, une phrase, un mot, un dessin ; en somme, la cartographie spontanée dâun lieu ou dâun site, adressée à un autre, peut-être en vain tant lâécriture, la rédaction, la « conception » même, de ces bouts de papier sont soumises à lâaléatoire dâun déchiffrement â et leur relecture tardive au mystère de toute interprétation. Alors que le « téléphone intelligent » et le GPS paralysent aujourdâhui ces écritures dâun instant victimes du grignotement du temps, Zischler livre à la fois une méditation sur ces cartes manuscrites pareilles à des bouteilles jetées à la mer (voir le chapitre qui nous permet dâapprendre les courants maritimes étudiées grâce à celles-ci) et un livre en zig-zag où la réflexion, aussi diverse soit-elle, permet dâenvisager ces identités de papier de mille et une façonsâ¦ Il y a du merveilleux dans ces aventures racontées à partir de chaque « objet » : le livre par sa suite dâintitulés (« « Il y a un pays », « Le Nord », « Birdâs nest », « Dubliners », « Osaka » ou ces « Visas dâun jour » délivrés en Allemagne de lâEst) procède comme les étapes dâun voyageur remémorées ou étudiées à partir de ces traces fragiles : « À les revoir pour la première fois après quâils eurent reparu au grand jour, beaucoup de choses sâétaient effacées de ma mémoire. Lâoccasion ou la circonstance ne se laissait plus débusquer, même le lieu concret, qui est après tout la raison exclusive de leur existence, refusait parfois dâêtre identifié. Ce nâest quâau prix dâun examen têtu que certains feuillets divulguèrent dâabord un vague contexte et, pour finir, des histoires enfouies sous le griffonnage. Le papier est patient, à ce quâon dit. » Dans ce beau petit livre imagé, lâécriture de Zischler allie toujours un mélange excitant dâélégance et dâà-propos, de simplicité et dâapprofondissements soudains. Cette prose du monde, qui dessine en biais un portrait de lâauteur, affronte avec sérénité lâétrangeté de ces papiers, dresse des déductions possibles, appelle à soi des trajectoires oubliées, tente de retrouver des raisons. Papiers reçus, donnés ou trouvés, nous sommes ici, par lâobjet comme lâécriture de lâauteur, devant une annotation du monde ; dâun usage aussi, à lâécart des routes toute faites et des GPS réducteurs. I Wouldnât Start from Here est un livre dâenquêtes, où lâon remonte grâce à un bout de papier à la source dâun récit, dâune vie, dâune époque. Cette conscience dâépoque rapproche Hanns Zischler de Walter Benjamin, entre la plongée dans lâarchive et des tentatives dâinterprétation. On y lève des hypothèses ; on trouve des preuves ; on parie sur la poussière et lâoubli sâil le faut ; on sâabandonne à des conjonctions ; on accueille des fragments ; on termine sans conclure sur les dessins faits de circonvolutions indéchiffrables dâAdelbert von Chamisso. Si ce livre convoque de nombreuses références, qui éclairent cette réflexion en la redéployant sans cesse (Joyce, Tsvetaeva, Godard, Jub Mönster ou Paul Celan), rien nây fait : le monde demeure un labyrinthe. Le sous-titre de ce livre (« Histoires égarées ») nous en offre les fils dâAriane mais pour quelle histoire, quelle issue ? Nous serons venus parmi les autres, aurons donné une direction ou demandé un chemin. Nous nous serons souvent égarés, ce peut être notre sort, ou notre secret devoir, bien quâaucune volonté ne soit possible. Entre-temps nous aurons tenté de lire le monde chacun à notre manière, de lâécrire aussi, que ce soit un livre â ou un bout de papier. Marc Blanchet Hanns Zischler I wouldnât Start from Here Traduit de lâallemand par Jean Torrent Préface de Jean-Christophe Bailly Éditions Macula p. 116, 16 â¬ <img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/SK03naiaUDU" height="1" width="1" alt=""/>

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