Interdiction de fumer dans tous les lieux publics
(extrait de l'ABCdaire iconoclaste du Vivre ensemble)
Le premier jour de l’année 2008 a vu l’entrée en vigueur de la loi bannissant définitivement des bars, brasseries, cafés, restaurants et autres discothèques de France et de Navarre les nuisances tabagiques de toutes formes, bouffées, nuages, ronds et volutes en tous genres.
Mesure de salubrité publique grignotant la liberté de certains au profit de celle des autres, elle fut bien comprise et immédiatement respectée.
Pourtant, l’hypocrisie n’est vraiment pas loin !
Autoriser le débitant de tabac à vendre une substance par ailleurs reconnue dangereuse, et lui interdire dans le même temps de laisser en faire le moindre usage chez lui, montre tout l’ubuesque de la situation.
Et prouve s’il en était besoin l’hypocrisie d’un Etat bien décidé à ne surtout pas tuer la poule aux clopes d’or.
On applaudirait des deux mains à une loi qui aurait l’ambition d’être réellement de santé publique en allant jusqu’au bout de sa logique : interdire la vente d’un produit si nocif.
Quand on sait que le tabac entraîne une addiction que ne connaîtra jamais le fumeur de joints, et une mortalité sans commune mesure avec celle pratiquement inexistante due à l’usage du seul cannabis, pourquoi tolérer qu’on puisse s’approvisionner en toute légalité du premier, quand le moindre commerce du second peut vous emmener en prison ?
Le tabac ravageur et justement accusé de tant de maux peut continuer à être acheté, à prix et taxes d’or il est vrai, pour être consommé en privé comme à l’air libre.
Alors, quel redoutable poison, synonyme de mort inéluctable pour l’usager et d’assassinat pour son entourage, doit donc être le cannabis, interdit qu’il est, lui, à la vente, à la culture, comme à la consommation personnelle et privée !
Rêvons un peu :
La loi, avec un courage stupéfiant, décide d’assimiler le tabac aux stupéfiants. Elle en interdit tout usage, et donc la vente.
Qu’arriverait-il ?
Un énorme marché de contrebande se mettrait immédiatement en place, sans commune mesure avec les marijuanistes qui, en comparaison, ne feraient que jouer à la marchande.
Les frontières françaises seraient engorgées chaque week-end par des embouteillages jamais vus depuis les exodes de la dernière guerre.
Des milliers de litres de carburant seraient consacrés à ces escapades pour achats illicites. Les pics de pollution y deviendraient hebdomadaires.
L’Etat, pour regagner partie des taxes perdues, voudrait évidemment développer un système répressif de contrôle aux frontières des plus lucratifs. Il se verrait obligé pour ce faire de recréer les postes de fonctionnaires qu’il a tant de mal à supprimer par ailleurs.
Il lui faudrait de plus assurer la protection grillagée, électrifiée, vigilisée, sirénisée, mitraillettisée, miradorisée, camescopisée, chiendegardisée…de tous les champs de tabac du sud-ouest conservés, commerce bien compris oblige, pour l’exportation vers les pays tabagiques moins propices à la culture.
Pour qu’une feuille de tabac bien roulée sous une aisselle ouvrière de Poitou Charentes n’ait pas plus de chance de passer en douce qu’un demi-carat bien planqué dans un anus prolétaire du Botswana, la production passerait sous le contrôle total de l’état, avec équipement incontournable des fermes en scanners détecteurs remplaçant les humiliantes fouilles à corps d’un autre temps.
Ajoutons à cela l’attrait accru pour une pratique nocive qui ne manquerait pas de se manifester.
Puisqu’il est bien connu qu’à chaque fois que l’on crée de l’interdit, on crée du même coup dans notre beau pays l’envie impérieuse de le contourner d’une manière ou d’une autre. Voire de toutes à la fois.
Sans compter le fait proprement immoral que cette situation de contrebande et de marché noir ne pourrait qu’engendrer une sélection par l’argent et la création d’une injustice flagrante, une de plus, avec l’apparition inéluctable d’une classe riche de fumeurs pollueurs soufflant ses ronds de fumée dans les trous de nez de la loi, et d’une classe pauvre de sevrés de force qui n’auraient d’autre choix que de s’y soumettre.
On le voit donc bien, le respect de la santé comme de l’environnement, le souci de l’économie comme de la simple justice, l’exigence d’égalité dans les conditions matérielles et morales garantissant le vivre ensemble, tout empêche le législateur d’aller au bout de sa logique anti tabac, et tout le pousse hélas à devoir continuer d’autoriser sa vente pour usage privé.
C’est donc contraint et forcé que l’Etat continuera d’engranger ses grasses taxes.
Après la cigarette qui tue, ne posons surtout pas la question qui fâche, en osant un parallèle tabou avec...le verre qui tue, même s’il fait encore plus de victimes !
On objectera que le choix de s’imbiber d’alcool n’entraîne chez le voisin aucun ravage dit d’alcoolisme passif !
Certes. Mais une véritable loi de santé publique, totalement responsable, donc se voulant garante du bien être général de la population, ne devrait pas se contenter d’interdire l’assassinat généré par les fumeurs. Elle devrait également pousser la sincérité et le souci moral jusqu’à lutter, et au besoin coercitivement, contre le suicide de masse généré par les buveurs.
On a bien réussi à imposer le port de la ceinture de sécurité, non ?
Alors, soyons « santé publique » jusqu’au bout !
Au lieu de faire souffler dans le ballon au coin des rues, bannissons le ballon de gros rouge de tous les Bons Coins et des bars-tabac déjà privés de fumée.
Mettons au pot commun les sommes économisées sur le traitement conjugué du cancer du poumon et de la cirrhose du foie, sur les conséquences financières des accidents de la route miraculeusement en baisse, sur la fabrication des ethilotests et la promotion des capitaines de soirée, sur le traitement médical et psychologique des femmes battues et peut-être même de quelques hommes victimes d’ivrognesses à gros bras, etc, etc…
Et consacrons ce pot commun, qui sera plus vite plein que notre président reremarié, à la reconversion des cabaretiers à la gestion des timbres-amende et à la vente des pastilles de menthe !
Paname