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(Note de lecture), Anne-Marie Albiach, La Mezzanine, le dernier récit de Catarina Quia, par Anne Malaprade


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Posté 08 mai 2019 - 10:00

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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"> <a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...bb29b200c-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Anne-Marie Albiach La Mezzanine" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20240a45bb29b200c img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20240a45bb29b200c-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Anne-Marie Albiach La Mezzanine" /></a>Un titre et au moins trois mystères. Quel espace, sinon théâtral, peut désigner cette mezzanine ? Quâest-ce quâun récit « dernier » alors quâon ne connaît aucun récit précédent à Catarina Quia ? Et quel personnage peut incarner cette narratrice dont le nom renvoie à deux langues, lâespagnol et latin ? A ces trois questions, lâhéroïne Catarina (la « pure » en grec) répond justement et littéralement par son nom de famille â Quia : <em>parce que</em> câétait elle, parce que câest elle, parce que ce sera elle. Le secret est donc dans le patronyme, qui voile et déchire ce tissu de lettres. Câest le miroir qui brise ici la question. Le nom propre veut toujours dire quelque chose au-delà de quelquâun, de même que les objets contiennent lâau-delà du fini. Mais Catarina Quia est aussi <em>persona</em>, soit le masque dâun autre personnage, cette Anna-Lisa qui apparaît dans le corps â ou sur la scène â du texte. Pourquoi ? <em>Parce</em> que Anna-Lisa, prénom dans lequel on peut entendre poursuite et continuation de la figure du double : Anne-Marie invente et projette Catarina, qui imagine et fictionnalise Anna-Lisa. La voyelle <em>a</em> voyage de nom en nom, et constitue en tout cas une basse continue à partir de laquelle va se jouer cette partition-récit : un délire, somme toute, bien organisé.<br /><br />Jacques Roubaud a mis au point une préface organisée autour de cinq sections à lâintérieur desquelles il énonce des hypothèses numérotées, qui balisent ce récit sans prétendre résoudre son opacité. Il met notamment en place une distinction entre puzzle, énigme et mystère, cette fiction sâinscrivant dans la modalité dâun sens qui restera caché et insaisissable. Claude Royet-Journoud et Marie-louise Chapelle, duo transcripteur et éditeur de ce texte, expliquent comment ils ont, dans une sorte de dialogue silencieux et réceptif, retranscrit trois cahiers comprenant des notes intimes rédigées en 1982. Ils ont ensuite découvert, après la mort dâAnne-Marie Albiach, des feuillets regroupés dans une enveloppe adressée à Claude Royet-Journoud, manuscrit pouvant apparaître comme une saisie et reprise, un remaniement narrativisé de la matière verbale contenue dans ces cahiers premiers.<br /><br />Deux textes, deux récits, deux états du récit, donc : un <em>work in progress</em> dont le sens est à entendre comme élan mouvementé plutôt que comme signification. Les trois cahiers sâapparentent aux pages dâun journal intime dont les entrées sont datées. La narratrice passe du je au elle, tandis quâelle se dédouble en Catarina et Anna-Lisa. Il est question de folie, dâenfermement, dâhôpital psychiatrique, dâécrivains dont les noms propres sont cités, dâun amant, de parents, de sÅur, de patients, de médicaments, de médecins, de solitude, de souffrance, de désir de maternité, de sexe. Et surtout : vêtements, bijoux, fleurs, parfum, stylo. Autant dâobjets perdus, déplacés, empruntés ou volés qui deviennent des signes dont lâabsence blesse et fragilise la narratrice. Cette prose trouée se présente sous la forme de notes et de fragments. Les majuscules et lâitalique sont fréquents. Dans le second état du texte, les paragraphes sont cette fois pleins ; les dates, les blancs et les vides ont disparu. Certains blocs de prose restent toutefois suspendus et arrêtés, du fait dâune absence de point final. La troisième personne est fréquente, mais le je persiste. Ce récit sâachève sur un dernier ensemble qui porte le titre suivant : « Conclusion : ou contrepoint. » Il sâagit bien dâune partition silencieuse dont on lit alors la coda. A plusieurs reprises le <em>désir</em> et lâ<em>envie</em> de vomir de Catarina Quia y sont évoqués. Non pas <em>besoin</em>, donc, mais bien manifestation dâune volonté qui correspond à cette manière de manger « de façon sauvage, debout, rapide, à intervalles rapprochés ». Catarina Quia ne serait-elle pas la petite sÅur de Catherine Crachat et Paulina, ces deux personnages féminins inventés par Pierre Jean Jouve ? Si Catarina Quia parle et écrit dans une proximité avec la « nausée », câest parce que se taire, câest être parlée, et par là être dévorée ou absorbée. Ne devient pas folle qui veut. Anne-Marie, Catarina et Anna (d)écrivent une conscience arrachée qui ne se limite jamais à ce quâelles veulent voir : elles sây épuisent, mais ne renoncent pas. Wo <em>ich</em> war, soll <em>sie</em> werden, et ce « dans le fil de la géométrie » qui et que dessine <em>Mezzanine</em>. Lutter, quoi quâil arrive, contre cet « éloignement arrogant du corps et du langage » afin que la peur ne fige aucun visage dans le silence. <br /><br /><strong>Anne Malaprade<br /></strong><br />Anne-Marie Albiach, <em>La Mezzanine, le dernier récit de Catarina Quia</em>, Librairie du XXIè siècle, Seuil, 2019, 288 p., 22â¬<br /><a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-mezzanine-le-dernier-recit-de-catarina-quia-anne-marie-albiach/9782021414936">Sur le site de lâéditeur</a><br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/SyDAk0u4RjI" height="1" width="1" alt=""/>

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