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(Les Disputaisons) La critique en poésie, François Huglo


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Posté 25 septembre 2019 - 09:34


6a00d8345238fe69e20240a4d643f8200b-100wiPoezibao
propose une nouvelle rubrique, intitulée Les Disputaisons. Il sâagira à chaque fois de débattre dâune question littéraire, en donnant la parole à plusieurs intervenants sollicités directement par le site.

Poezibao inaugure cette rubrique avec une première série à parution aléatoire, qui comportera sans doute une quinzaine de contributions. Le thème : la critique en poésie. Cette nouvelle rubrique comme cette première Disputaison ont été conçues par Jean-Pascal Dubost (lire ici la demande adressée aux contributeurs sollicités pour cette première disputaison).


François Huglo
LIRE, CâEST TOUT

Pourquoi le moi est-il haïssable ? Parce quâil brandit lâargument dâautorité. Moi, critique, suis autorisé à prescrire : voici ce quâil faut lire, ce quâil ne faut pas lire. Mais mon moi, tout le monde sâen fout, moi le premier. « Le plus intime en nous, ce sont les autres », écrit Jean-François Bory. Nous sommes travaillés par ces êtres de désir : les autres, leurs mots, leurs livres. Je ne me dirais pas critique, mais lecteur, comme nâimporte qui. Câest différent. Le critique nâest pas là pour lire, mais pour juger. Un balayage diagonal peut lui suffire. Le lecteur ne juge pas. Il continue de lire ce qui lâaccroche, le retient. Que dirait-il de ce qui lui tombe des mains ? Que câest médiocre ? Plutôt que ce nâest pas pour lui, quâil ne mord pas, quâil laisse ça à dâautres. Mais lâirritation aussi peut lâaccrocher, le retenir, quand il se sent considéré par lâauteur et par lâéditeur comme la cinquième roue du char glorieux de lâautopromotion et de la promotion. « Non à la critique godillot ! », ai-je écrit. On a sa fierté, câest tout.

Le critique aime, ou nâaime pas. Pouce en haut, pouce en bas, aussi binaires quâun référendum, un like, un empereur surplombant lâarène. Le lecteur est dedans. Son fantasme nâest pas le geste-verdict donnant la mort ou la couronne de laurier, mais plutôt le projet du Pierre Ménard auteur du Quichotte, de Borges : il se contenterait volontiers dâouvrir et de fermer les guillemets, de citer le texte intégral. Ou de composer un montage, un collage, à partir de ce quâil a lu. Un ready made, en quelque sorte. Il ne cherche pas à peser. Sa seule prescription (légère) serait : tolle, lege. Jacques Sojcher parlait de « contagion » : les livres se propagent, volent de lecteur en lecteur, chacun adepte du libre examen. Nul ne décidera pour lui de ce quâil doit lire ou jeter aux orties. Des atomes sâaccrochent, ou non. Câest tout.

Lâautorité du critique incite-t-elle à la lecture ? Son « puisque je vous le dis » vaut-il comme argument de vente, ou dâachat ? Sa descente en flammes dissuade-t-elle ? Encore faudrait-il quâon sache de quoi il parle. Or, il ne parle que de lui, de ses goûts, de son goût, excellent puisquâil occupe la position de critique ! Le lecteur nâoccupe aucune position, il navigue au gré des livres quâil lit, chacun émet un coup de dés, chacun décide. Il prend un risque, il recommence, il nâest personne. Aucune posture : il nâinterviendra pas (zen ?). Il se laisse (ou non) prendre au jeu, se met en jeu. Câest tout.

Lecteur, comme nâimporte qui, et pourtant la lecture sâapprend. Quand le jugement tombe, toujours trop vite, comme un couperet, elle reste en suspens. Nos chers professeurs des classes secondaires ne nous demandaient pas notre avis sur les auteurs, mais une attention soutenue au texte. Câest tout.

Ce nâest pas à lâinformation de mettre en valeur le journaliste. Il est là pour transmettre, pour représenter une partie du monde, ou une population, à une autre. Il peut aussi, aventure comparable à celles de Tintin, reporter et explorateur, tenter dâentrer dans un livre, de le prendre sur lui pour le porter vers dâautres, le leur présenter, le représenter. Câest tout.

François Huglo


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