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(Note de lecture) Places and names, d'Elliot Ackerman, par Claude Minière (livre en anglais, USA)


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Posté 13 janvier 2020 - 10:32

<p><strong> </strong></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: center;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><strong>Le lieu des noms, les noms de lieu</strong><br /><br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"> <a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...d0c4b200d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Elliot Ackerman places and names" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20240a4dd0c4b200d img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20240a4dd0c4b200d-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Elliot Ackerman places and names" /></a>Vous découvrez lâenfer, vous vous en souviendrez par les noms des personnes que vous avez rencontrées et des lieux que vous avez traversés. Câest ce que fait Elliot Ackerman --- journaliste, écrivain (son roman <em>Waiting for Eden</em> a été traduit en français sous le titre « En attendant Eden », Gallmeister, 2019), qui, engagé dans le corps des « marines » a servi sur les fronts dâIrak et de Syrie. Rendu à la vie civile, il cherche les moyens de « revoir » et consigner les places et les noms pour sortir de lâabsurde et de la dispersion des repères, pour retracer les frontières, les lignes, les liaisons qui furent au milieu des combats mouvantes et qui aujourdâhui pourraient dans la conscience se brouiller, sâestomper, sâeffacer. La guerre transforme les lieux, qui deviennent des <em>non-lieux,</em> et les individus, qui se fondent dans un drame aux contours irréels. Le « monde » est alors désarticulé, sorti de ses gonds, <em>disloqué.<br /></em><br />Au milieu de son ouvrage, dans un de ses plus beaux chapitres, <em>Black in the rainbow, Bergdahl and the Whale </em>(« Du noir dans lâarc-en-ciel, Bergdahl et la Baleine »), lâécrivain évoque la désertion, les déserteurs. Le cas de Bowe Bergdahl est resté célèbre, du moins aux Etats-Unis. Sergent servant en Afghanistan, Bergdahl disparut de son campement le 30 juin 2009 pour se retrouver parmi les Talibans. Durant les jours suivants ses anciens compagnons de combat demeurèrent dans lâexpectative. Où était-il donc passé ? Avait-il été capturé ? Puis, au long des mois qui suivirent, lâarmée américaine subit une série dâattaques étonnamment ciblées. Le doute nâétait plus permis, le déserteur avait fourni des informations à lâennemi. Pour son corps dâarmée, la Blackfoot Company, lâévénement constituait une tache et une malédiction. Les hommes, gradés ou simples soldats, lâéprouvèrent comme une profonde perturbation, une <em>désorientation.</em><br /><em><br /></em>Un autre cas figure dans ce même chapitre, celui dâun déserteur du Vietnam, réfugié au Canada, et qui, après lâamnistie sous conditions prononcée par le président Carter en 1977, rentra au pays et fit le choix de conduire à son terme son temps dâengagement dans lâarmée. Quand, par hasard, un jour de 2003, Ackerman croisa lâhomme, le seul déserteur quâil ait jamais personnellement rencontré, celui-ci le gratifia du nom de « Sir » (un titre réservé aux officiers), accompagnant sa politesse dâun sourire que lâauteur nâa pu oublier : <em>And thatâs what I remember about his smile : he seemed to recognise both the sanctity and absurdity of his choice, </em>« Et câest à quoi dans ma mémoire est attaché ce sourire : lâhomme semblait reconnaître à la fois la sainteté et lâabsurdité de son choix. »<br /><br />En conclusion de cette séquence de remémorations, Ackerman place un rappel de lâhistoire biblique de Jonas et la Baleine. <em>After being thrown overboard by his shipmates and swallowed by the whale, Jona prayed to God, </em>âAprès quâil eut été jeté par dessus bord et avalé par la baleine, Jonas se tourna vers Dieu et se mit à prierâ⦠<em>Those who regard worthless idols forsake their own mercy, </em>« Ceux qui accordent de lâimportance à des idoles sans valeur renoncent à leur salut ».<br /><br />La guerre est une perdition, les lieux sâabsentent, les hommes sont absorbés dans une mécanique annihilante. Quand on parle de « la guerre par ceux qui lâont vécue » on commet un abus de langage : <em>vécu</em>, ici, ne convient pas, il appartient à un vocabulaire désormais sans substance. Il y a un schisme entre la langue et le drame. Lâécriture dâAckerman laisse appréhender lâeffort fourni pour fixer les noms et identifier les lieux, pour reprendre pied en quelque sorte, pour lutter contre le <em>décalage</em> intellectuel et affectif opéré par la guerre.<br /><br />Elliot Ackerman est reconnu par la critique américaine comme un grand écrivain de « littérature de voyage ».Vous mesurez lâironie de la situation. Mais il est simplement vrai que ce sont les <em>noms </em>par quoi nous ne titubons point sur cette planète brouillée. On peut comprendre cependant ce qui invite à associer Ackerman avec « le voyage » : lâauteur est habile dans la juxtaposition de ce qui demeure inchangé et de ce qui est en transformation. Alors que sur le théâtre des opérations en Irak et en Syrie les paysages et les groupes combattants dâépisode en épisode dans le conflit se mêlaient, se faisaient et défaisaient au fil des alliances, lâécrivain retrouve à Londres un lieu intact. Adolescent, il pratiquait le skate sur les plateformes de Southbank. Un séjour à Londres le ramène sur la place, où de jeunes « skaters » évoluent et lancent toujours, pour saluer une figure, un exploit, le même salut de « Safe ! ». Pendant ce temps-là, au loin, derrière le soldat devenu promeneur, la carte des territoires syriens continue de se redessiner confusément et de se hachurer de morts. Lieux et noms ne sont pas seulement liés dans la topographie, ils le sont aussi dans la pensée qui sâefforce de réaliser ce qui se passe.<br />Une question, par exemple, que se pose un militaire américain en Irak : Quel noms porte cette route ? Qui le lui a donné, « nous » ou « eux » ? Et le constat quâil fait : ce village (son nom, déjà ?), dans la conquête duquel jâai perdu mon camarade, nâexiste plus. Comment pourrais-je revenir <em>dessus </em>?<br /><br /><strong>Claude Minière<br /></strong><br />Elliot Ackerman, <em>Places and Names,</em> ALLEN LANE editions, 2019, 233 p <br /><br /><a href="https://www.youtube.com/watch?v=vCC6hCUacVs">Un entretien (en anglais) avec Elliot Ackerman</a><br /><br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/6RJTPrx3wJM" height="1" width="1" alt=""/>

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