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Au café


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4 réponses à ce sujet

#1 Comtoise

Comtoise

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Posté 08 février 2008 - 04:43

Au café

D’abord on aperçoit une fresque
sur les murs, elle envahit l’espace
gaiement. Des clients sont représentés
en train de discuter et de boire, les
couleurs bleutées de la fresque de Maïté
accueillent en grande pompe toutes
sortes de personnages, du plus extravagant
au plus timide. Les patrons envahissent le café
au moins autant que la fresque, c’est tout juste s’il reste de la place pour les autres, ceux venus de la gare proche boire un café ou ceux habitués venant faire un rapido sur le pouce en sirotant un demi.
L’ambiance y est assez calme et résolument décontractée. Bruno, le boss est toulousain, il fleure bon l’accent rocailleux et le rugby ; la plaisanterie au bout des lèvres et la main agitée.
Pas un échange de paroles sans boutade parfois tirée par les cheveux. Il faut lui demander au moins trois fois un verre avant d’être servi et attendre un bon quart-d’heure pour la monnaie ;
Bruno est chiant et pourtant, pareils à des fidèles d’une secte quelconque, les clients reviennent chaque jour plus ou moins à la même heure. Le bar était tenu avant par M. Poux, un chasseur
idiot et facho, il était la vitrine du bistrot, aussi Fangio que Bruno, à croire que le bar façonnait les patrons, peut-être était-ce ainsi pour certains cafés. J’avoue avoir ressenti la même chose au Memphis, où l’ambiance plutôt lourde se transmettait de propriétaires en propriétaires.

Les murs auraient-ils des oreilles ?
Et surtout vais-je finir par croire que
des lieux puissent avoir une âme ?
L’Âme existe-t’elle ?




#2 Paname

Paname

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Posté 09 février 2008 - 06:54

Permettez-moi de payer ici ma tournée


Dans les cafés, on y va assez rarement pour boire.
On va s’y reposer, souvent. De sa promenade, de son travail, de ses emplettes, ou sur ses lauriers…
On va s’y sécher de l’averse ou de la suée tout en se mouillant le gosier.
On va s’y abriter du grand soleil comme du petit vent, de la pluie comme du froid. On y cherche le frais, le sec, ou la chaleur du radiateur…
On y attend, beaucoup. Son rendez-vous, son train, la fin de l’averse ou l’inspiration…
On y retrouve ses amis, ses collègues, son amour, sa solitude ou ses souvenirs…
On y travaille, pas mal. On révise ses cours d’étudiant, on corrige ses copies de prof, on y branche son portable…
On y aime, très souvent. On s’y embrasse, s’y tient la main, s’y regarde dans le blanc des yeux. On s’y parle, goulûment, ou sans rien dire…
On y lit, énormément. Des journaux, des romans, des rapports, ses courriels, des magazines, son horoscope…
On y écrit, souvent. Des lettres, des poèmes, des notes, des mots croisés, son courrier, ses réflexions…
On y pense, on y médite, on y rêvasse des somnolences, on y déguise des siestes en fumeuses contemplations…
On y passe beaucoup de temps, un peu voyeur, à regarder, observer, détailler les gens. A s’y comparer, envieux du lot des autres ou satisfait du sien. A critiquer in petto ou à mater secrètement le sexe opposé.
Et on est là, comme au spectacle…
On y écoute aussi, et beaucoup. De la musique, la radio, ou la télé, ou rien, le bruit de fond de la vie, mais surtout, volontairement ou non, ses voisins et leurs tonnes de conversations débiles et passionnantes, dont on se fout éperdument et qui nous captivent…
On y joue, inévitablement. Aux cartes, aux courses, aux fléchettes, au billard, au bingo, au Cote Match, au Goal, au Dédé, au tiercé, au Bancokénomorpioneuroloto si… Solitaire…
On s’y tait, mais surtout on y parle. A son voisin, à son téléphone, certains parfois tout seuls, le plus souvent quand même avec d’autres…
On y discute entre amis du spectacle qu’on vient de voir, du voyage qu’on vient de faire, de ses projets, de ses amours, des absents, de la pluie et du beau temps, de rien et de tout…On y refait le monde, on parle politique, boulot, famille, joie et petits ennuis, de la vie tout simplement. Et la soif vient en parlant, pour ne rien dire, et pour tout dire…

On y rencontre aussi des inconnus, on y échange des impressions, on y va de ses commentaires, on écoute ou on entend des petits bouts de vie, on s’apitoie ou on fait semblant, on vole sans le vouloir des morceaux d’existence à droite à gauche, et on se sent souvent moins pauvre et plus fier de la sienne…
On peut y faire des connaissances, ou, c’est selon, se féliciter de sa misanthropie…
On s’y réconcilie avec le monde, ou on s’en garde bien…
Et tout bouge autour de soi, va et vient sans pause, rentre et sort, s’installe ou
lève le camp, marionnettes qui viennent vous jouer leur petit bout de vie et qui s’effacent pour laisser la scène aux suivantes. Certaines attirent, intriguent, éveillent votre curiosité ou votre sympathie de spectateur, mais elles ont déjà disparu.
Ont-elles même existé, dans cet infime arrêt sur image de leur vie, aussi vite effacé de la vôtre que le garçon-metteur en scène a nettoyé leur table, libre pour un nouveau clap ?

Dans ce tournis, on a besoin de se fixer. On cherche le stable, le permanent.
On repère le patron, qui a un œil sur tout, la caissière qui ne dort que d’un et qui garde l’autre sur les consommations tippées. On s’intéresse au barman, grosse mémoire qui débite d’une voix forte ses commandes interminables…Et il suffit d’une heure à les regarder faire, pour être bien content du métier que l’on fait…

Bref, dans tes troquets, qu’on s’y sente tristounet ou heureux, à l’affût ou à l’écart, volubile ou taciturne, acteur ou spectateur, et, suivant son humeur, l’ambiance du lieu, et les hasards de l’entourage, qu’on le sente mal ou qu’on s’y sente bien, qu’on y soit triste ou gai, inquiet ou rassuré, réservé ou confiant, on se sentira toujours libre de prolonger d’un « La même chose, s’il vous plaît ! », ou de changer de crèmerie.
Voudrait-on, d’un mot, dire ce qu’on fait dans les cafés de Paris, je dirais qu’on y vit, bien sûr, tout simplement !
Et finalement, accessoirement, éventuellement, qu’on peut aussi y boire, à l’occasion.
Pourquoi pas ? Ne serait-ce que pour y justifier sa place de molesquine…

Qu’on ne se méprenne pas pourtant sur mon besoin de cette fréquentation ou la nature du bonheur qu’elle procure !
Je risquerais de passer pour un pilier de bistrot, quand la vérité est que je suis un homme de troquets. Ce qui n’a strictement rien à voir !

Si je plains le triste sort du premier, je revendique la moralité et l’humanité généreuse du second, et là est toute la différence.
Le premier est une brute qui boit, et qui goûte la mort à petit feu. Le second est un homme qui vit, et qui goûte la vie sous toutes ses formes. Le verre du premier est un refuge, un visa pour l’enfer, dans le dégoût de soi et le refus des autres. Mon verre est un prétexte, un passeport pour le monde, dans le bonheur de soi, et l’appétit d’autrui.
Le bistrot abêtit son pilier, qui s’y rapetisse, quand le troquet affûte son homme, qui s’y grandit.
Son verre recroqueville l’un sur son passé, quand il épanouit l’autre vers son avenir.
Aussi, à chaque fois que je « vais au café », je ne crains pas pour ma santé, ou ce qui serait pire, pour une réputation éventuelle de boit sans soif. Je me réjouis au contraire de ma pleine forme, et de ma soif de vie.
Je ne pousse pas la porte, esclave, de l’enfer honni qui m’enchaîne et me rendra pire.
Je pousse la porte, en maître, du paradis rêvé qui me libère et me rendra meilleur.

Paname ("Paris, ma mise en Seine..." De l'incontournable nécessité morale de la fréquentation de tes troquets)

#3 JMAP06

JMAP06

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Posté 09 février 2008 - 08:46

Permettez-moi de payer ici ma tournée


Aussi, à chaque fois que je « vais au café », je ne crains pas pour ma santé, ou ce qui serait pire, pour une réputation éventuelle de boit sans soif. Je me réjouis au contraire de ma pleine forme, et de ma soif de vie.
Je ne pousse pas la porte, esclave, de l’enfer honni qui m’enchaîne et me rendra pire.
Je pousse la porte, en maître, du paradis rêvé qui me libère et me rendra meilleur.

Paname ("Paris, ma mise en Seine..." De l'incontournable nécessité morale de la fréquentation de tes troquets)


A te lire Paname je regrette de n'avoir jamais le temps de "trainer" au bistrot
Je conçois aisément que ce lieu puisse être, de par la mixité et la multitude des êtres et des comportements, une source inépuisable de réflexion, de rigolade, d'inspiration, et sans doutes de bien plus encore,ce dont je n'ai, manque de pratique oblige, aucune idée.
Mon bistrot à moi, c'est le Tlp,On y trouve presque tout les caractères que tu décris, Je me garderais bien ici de faire des comparaisons, Mais parfois, avec un ptit verre d'alcool de pruneaux, c'est pas l'envie qui m'en manque!
En tout cas, c'est un super texte, et j'ai presque hate d'être à la retraite pour zinguer avec toi!

Philippe A+

#4 Paname

Paname

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Posté 10 février 2008 - 12:59

Crois bien que je serais ravi d'y trinquer avec toi !
merci de ta (longue...) lecture

#5 lacape

lacape

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Posté 10 février 2008 - 01:07

une belle tranche de vie Jo, peut être un havre de paix, avant de renouer avec la vrai vie qui se trouve à l'extérieur, on peut tout envisager dans un café....

amitié....