Aller au contenu

Photo

(Note de lecture), Philippe Denis, Inventions suivi de Notes sur les pivoines par Christine Dupouy


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 21 avril 2021 - 09:30



6a00d8345238fe69e2026bdecce5e6200c-100wiPetits livres, textes courts, ô combien précieux, auxquels nous a habitués depuis longtemps Philippe Denis, aussi bien pour ses propres écrits que pour ses traductions. Ce poète français et les haïkistes japonais étaient bien faits pour se rencontrer, et ce dès 1981, avec Notes sur des pivoines chez Thierry Bouchard, intégrées en 1991 dans Divertimenti au Mercure de France. Ce texte, auquel manifestement tient beaucoup Philippe Denis, puisquâil lâa repris trois fois, la dernière dans Inventions, nâa connu aucune véritable modification. Notes chéries, plus que jamais parlantes, puisque depuis quelques années Philippe Denis, comme leur auteur, est en proie à la maladie.

Le recueil sâappelle Inventions, afin de souligner la liberté de Philippe Denis par rapport à la notion de « traduction ». Sur la couverture nâapparaissent les noms ni de Bashô, ni de Buson, ni de Issa ni de Shiki, qui figurent pourtant en tête de chaque section et dans la table des matières, mais celui de Philippe Denis, qui se présente donc comme lâauteur de ce livre. Déjà dans Divertimenti, les poèmes étrangers, de Dickinson, Keats, Shiki, étaient mis sur le même plan que ses propres textes, autant de sections dâun livre unique au maître dâÅuvre de langue française. Le problème de la traduction se pose dâautant plus à propos des haïkistes extrême-orientaux que les passeurs français comme Jaccottet et Philippe Denis ne connaissent pas le japonais. Denis qui ne se veut pas traducteur sâappuie, comme on lâapprend à la toute fin du livre, sur les travaux de R.H. Blyth, en langue anglaise donc.

Philippe Denis est venu au haïku⦠par les poètes américains, comme il  sâen explique dans son avant-propos : « [il] a découvert le haïku lors de [s]on séjour dans le Minnesota, les poètes américains, Cummings, Snyder ou Corman⦠les avaient, depuis des décennies, adoptés et il [lui] fut aisé à leur suite de les ranger parmi [s]es livres de chevet dans la grande édition de Hokuseido Press » [lâanthologie de référence de Blyth] (p. 7). Néanmoins il a conscience de la vanité dâune approche au deuxième degré .

On trouve bien évidemment des mentions dâun univers japonais dans ces haïkus, ainsi p. 17 : « Nara /la senteur des chrysanthèmes, /la face antique de Bouddha. » Le Mont Fuji est convoqué, et à la suite sans doute de Claudel, Denis se risque même à lâébauche dâun idéogramme en représentant la montagne par une sorte de grand accent circonflexe, qui surplombe les deux vers qui suivent (« culmine seul, / au-dessus des frondaisons. ») (p.31) Quant aux pivoines, il sâagit là dâune fleur emblématique de lâExtrême-Orient, dont elles sont originaires et qui sont un signe de longévité, de bonheur â logique dâen offrir à un grand malade. Lâoccidentalisme le plus manifeste se trouve p. 70 : « Idiot à la Saint-Sylvestre. / Tout autant / le jour de lâan. »

En fait, ce à quoi tend lâauteur, câest à lâuniversel, comme cela apparaît par exemple p. 36, dans un poème qui ravive une vieille blessure de lâenfant trouvé Philippe Denis : « Câest le soir, câest lâautomne. / Tout simplement / je songe à mes parents. » - parole du quotidien évoquant une expérience largement partagée.

Christine Dupouy

Philippe Denis, Inventions suivi de Notes sur des pivoines, Le Bruit du temps 2021, 88 p., 11â¬


Notes sur des pivoines

           
Le 9 mai

Ma température anormalement haute, nuits et jours étaient devenus un enfer, et cela depuis quelques jours. Ce matin Haritsu et Sokotsu se rendirent à mon chevet et me firent présent dâun pot de pivoines. Sur lâétiquette lâespèce était inscrite :

GIVRE

Les fleurs étaient larges, dâun léger vermillon. A la tombée de la nuit, mon disciple Kyoshi vint. Il mâapportait une nourriture exotique. Je pris mes médicaments à deux reprises durant le jour et la nuit, mais comme jâétais en nage je ne pus que difficilement trouver le sommeil.

Ici, dans du papier de riz
enveloppé, ce présent :
les pivoines.

Apportées jusquâici
du Jirikisha, les pivoines
se balancent encore.

Le présent qui me fut apporté :
un pot de pivoines.
Quand je devins malade.



qktGj7zO9v0

Voir l'article complet