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(Note de lecture), Pierre Garnier, Perpetuum mobile, par Marianne Simon-Oikowa


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Posté 31 mai 2021 - 09:06

 

6a00d8345238fe69e20278802d31fb200d-100wiLâherbe qui tremble a publié récemment un nouveau volume dâÅuvres de Pierre Garnier, intitulé Perpetuum mobile dans lequel on trouvera aussi, outre le recueil éponyme, deux ensembles plus petits, Secondes et Santerre. Lâéditeur a déjà publié plusieurs ouvrages dâIlse et Pierre Garnier, surtout connus comme les inventeurs du « spatialisme » au début des années soixante, ou consacrés à leur Åuvre. Avec Perpetuum mobile, il offre au lecteur la réédition dâun recueil important dâabord paru chez Gallimard en 1968, qui fait pendant à Spatialisme et poésie concrète, texte théorique publié la même année chez le même éditeur.

Issu de deux recueils élaborés au cours des années soixante mais restés inédits, Minutes de poésie et Minipoèmes, Perpetuum mobile ne contient que des poèmes linéaires. Le recueil nâest pourtant pas sans lien avec la poésie spatialiste, dans laquelle le mot est « un élément », « une matière », « un objet » (« Manifeste pour une poésie nouvelle, visuelle et phonique », 30 septembre 1962, Les Lettres, no 29, 1er trimestre 1963, p. 2). Dans sa présentation, Pierre Garnier souligne la grande économie de moyens qui caractérise ces poèmes, parfois composés de deux ou trois vers seulement, et dont certains vers ne comptent eux-mêmes quâun ou deux mots : « Un e muet : / la mer. » (p. 47). La thématique du recueil est le « fil de la vie aperçue, suivie, interrogée, dite, de la façon la plus objective possible » (p. 7). On y trouve, sous une forme particulièrement condensée, les thèmes chers au poète : la nature, les animaux et notamment les oiseaux, les marionnettes de Picardie, la cathédrale Notre-Dame dâAmiens, entre autres, dont la sculpture la plus célèbre, la « Vierge dorée », est évoquée dans le poème final : « Elle est / le point du jour. / Légèrement déhanchée / comme un arbre portant trop â / ainsi lâenfant / quâelle replace sur la pesanteur / la secoue / et légère / elle semble déjà monter / dans lâétoile / partagée par la mer / [...]. » (p. 118). Le recueil circula. Sept de ses poèmes furent même traduits en japonais par le poète Kitasono Katsue dans les numéros 118 (mars 1969) et 119 (juin 1969) de sa revue VOU, tel celui-ci : « La lune / ne ressemble-t-elle pas à notre poésie ? / si morte / si claire ? » (p. 13).

Secondes
, recueil dâabord paru en 1967 en Allemagne sous le titre Sekunden (édition bilingue franco-allemand, traduction dâIlse Garnier), et Santerre, écrit en 1971 mais resté inédit jusquâà aujourdâhui, partagent avec Perpetuum mobile le thème de la nature, la forme linéaire et une commune esthétique de la concentration. De Secondes à Perpetuum mobile on devine le cheminement du poète, qui reprend même, de lâun à lâautre, quelques vers : « Je me compose et me décompose / autour de lâéternité ». Santerre, qui évoque une plaine de Picardie particulièrement éprouvée pendant la Première Guerre mondiale (le poète sous-titre son recueil « description dâune plaine », p. 37), frappe par lâusage des blancs internes, qui donnent aux poèmes une allure à la fois très aérée et savamment destructurée, à lâopposé de la linéarité immédiatement associée au mot « plaine » : câest un monde circulant entre terre et ciel qui est donné à voir, dans lâespace même de la page.

Il faut saluer ici le double choix de Lâherbe qui tremble, celui dâassocier ces trois recueils dans un même ouvrage où leur cohérence apparaît de manière évidente, et celui dâavoir respecté au plus près la mise en page des publications originales. Dans Secondes, la présence quasi systématique de deux poèmes par page, tous numérotés, confère au recueil son rythme, on serait tenté de dire sa scansion particulière. Dans Perpetuum mobile, où chaque page contient un poème ou quelques strophes, le lecteur suit, dâune notation à une autre, le cours dâune observation-méditation qui lâinvite véritablement à un mouvement perpétuel. Belle leçon dâédition, au service dâune expérience de lecture incomparable.
 
Marianne Simon-Oikawa
Université de Tokyo,
Centre dâétude de lâécriture et de lâimage

Pierre Garnier, Perpetuum mobile,  Lâherbe qui tremble, 2020, 178 pages, 14 â¬



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