Si il est impossible de donner un objet à un texte, ce n’est pas forcément que le texte est l’objet.
Je dors dans tes yeux universels.
Si il est difficile de sortir de l’enclos des mots les plus génériques qui soient, ce n’est pas non plus par manque d’imagination, mais plutôt du dédain pour l’imagination, pour sa magie inopérante et prétentieuse, pour les bouffées délirantes des images.
Rien. Lumière artificielle sur ton visage. Je cherche ton visage.
L’imagination fascine et est fascinante pour tout ce qu’elle ne vit pas. L’imagination est fascinée par tout ce qu’elle n’est pas et vend très bien ce qu’elle est. Elle donne le change à la mesure de sa valeur. Tu es imaginée, tu échanges ce que tu imagines, on te prend pour ce que tu imagines, vous vous imaginez. On peut parfaitement s’imaginer honnêtement, on peut en être très heureux.
J’ai dit une plaisanterie. Nous sommes tous les deux tombés dans un puits qui fuit. Tu es remontée du puits.
Il n’y a pas à proprement parler de remède à l’imagination, je ne pense même pas que ce serait souhaitable. Peu importe si la rupture du texte avec l’imagination lui amène le succès ou l’échec. Plus que de parler de texte autonome il faudrait parler de texte autistique. Ce n’est pas un texte vivant. Un texte est incapable de se donner la mort.
Je suis recouvert d’une nuit secrète. Il n’y aurait rien de ce que je n’ai pas vécu.
Est-ce que pour autant qu’un texte sans imagination est un texte authentique et intègre, profondément concentré à se tenir debout, profondément pensé ? En fait, je ne pense pas qu’un texte se pose des problèmes d’écrivain. Je ne pense pas que le texte puisse s’estimer aussi fatigué que je le suis.
Le rien est malléable et troué.
A quoi rime toutes ces dédicaces dans ces recueils de poèmes et ces romans ? Des tentatives de séduction, des recherches de protection ? Ces textes ont donné la mort et aujourd’hui ordonnent la mort. Bien sûr qu’ils ont du sens, ils ont eu instantanément du sens et ils donnent encore du sens.
La lumière artificielle s’est éteinte. Il y a une lumière artificielle dans ce que je pense.
La donnée numérique rend le texte encore moins précieux. J’aurai été un mort heureux sans ordinateur, j’aurai même pu être croyant. Enfin, croyant autrement que je le suis. J’aurai été imaginatif et moins troublé, moins ridicule j’en suis sûr !
Le rien me roue de coups. On me roue de coups dans le noir.
Prenons l’ensemble de ces textes, maintenant imaginés et parfois non imaginés. Voilà le mien, me voilà dans un texte, fait par le texte. Nous voilà dans un tout petit ensemble de textes dans un plus grand texte. Dépendant d’un texte sans objet, d’un texte numérique infiniment désordonné.
Je dors dans tes yeux noirs universels.