Guérite militante
Comme c'était inconfortable
D'aller faire cela dans l'étable
N'importe qui pouvait entrer
Vous surprendre pantalon baissé
Telle ma cousine Léontine
Qui entra avec sa copine
Il y a des moments comme cela
Qui sont de vrais assassinats
Je ne veux convaincre personne
Mais comme la solitude est bonne
Quand elle permet de conserver
Intègre toute sa dignité
Unanimement partagé
Ce sentiment a provoqué
Dans toutes les campagnes de France
La construction de lieux d'aisance :
Au fond de chaque jardinet
Voila soudain qu'il apparaît
Les petites cabanes de bois
Qu'il fallait par des matins froids
Gagner en levant haut les pieds
Pour éviter que la rosée
Ne parvienne à auréoler
Le bout des vieux chaussons troués
Durant des décennies on vit
Les membres de la famille qui
En file indienne parcouraient
(Et quelquefois même ils couraient)
La petite sente parfumée
Des senteurs chaudes de l'été
L'automne c'était les odeurs douces
Des champignons et de la mousse
L'hiver sentait le feu de bois
Des cheminées contre le froid
L'aérosol n'était pas né
Pas de parfums emprisonnés
Pas d'antitartre, de balayette,
Encore moins de papier toilette
Pas de fée électricité
Pas de guérites illuminées
Une planche un couvercle de bois
Dans un coin des journaux « la Croix »
Et dans la porte pour la lumière
Un cœur percé tout de travers
Laissant paraître le paysage
Un coin du ciel et les nuages
Ou les jours de file d'attente
L'oeil courroucé de ma grand-tante
Je pense que la poésie
De ces petits lieux n'a suffi
Les uns les autres se sont lassés
Tous voulaient de vrais cabinets
Avec dedans tout l'équipement
La cuvette et l'abattant blanc
Comme ceux mirés chez le voisin
Qu'en avait vu chez son voisin
Qui avait été emballé
Par ceux du cousin honoré !
Celui qui n'avait pas les siens
Etait devenu moins que rien
Alors contre vents et marée
J'n'ai pas cédé j'ai résisté
Je n'ai pas suivi l'air du temps
Et les modes de tous les moments
Mon petit cabinet de bois
Il ne bougea pas d'un iota
Contre les tempêtes et le temps
En dépit de tous les courants
Il a gardé l'utilité
Qu'on lui avait attribuée
Je suis seul avec mes feuillets
A traverser mon jardinet.
BG
