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Volubilis, mon semblable/supprimé


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#1 Jped

Jped

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  • Une phrase ::Le voyage immobile après une vie de voyage

Posté 27 octobre 2023 - 03:37

 
 
 
 
                                                  il y a des mots
et des choses qui n'ont l'air de rien,
qu'on rencontre de temps en temps,
comme par hasard, au coin d'une rue,
d'une route, d'une piste, d'un sentier  ou,
plus prosaïquement, d'une conversation,
et qu'on oublie ensuite pour longtemps.
mais ils sont là , comme en réserve,
attendant leur heure pour se manifester à nouveau
(quand on aura peut-être mué de peau ,
bourlingué d'îles en continents et de continents
en îles et atteint des eaux plus calmes) ,
renaissant de leurs cendres et s'imposant enfin



                                     Volubilis!  Volubilis!
pourquoi ce mot revient-il aussi fort aujourd'hui
dans mon imaginaire et dans ma mémoire?


                                                      Volubilis,
 
mot qui fait surgir pour moi l'ombre et la voix
profonde de René Char, pour qui les mots
et la vie ne faisaient qu'un ,
dans une extraordinaire eucharistie :
 
« Entends le mot accomplir ce quil dit.
Sens le mot être à son tour ce que tu es.
Et ton existence devient doublement tienne ».
               écrit-il dans « La scie rêveuse »
 
j'ai tournoyé autour d'un point fixe que j'ignorais,
comme l' ipomée " semblable à un ver ",
lˋ autre nom, moins poétique, du volubilis,
liseron bleu, grimpant en torsades
sur quelque racine ou autour d'un chêne
                       ou d'un palmier, selon la latitude.


je me souviens de mes premiers volubilis
enlacés à la souche à demi pourrie d'un arbre
abattu par quelque cyclone impétueux
dans le jardin aux deux cents  espèces de plantes
rapportées des courses en forêt , sur l'île de Sao Tomé
avec laquelle nous pivotions sur le plan de l'équateur,
perdus  sur l'océan à égale distance de la Polaire
                                              et de la Croix du Sud,
 
écartelés, suspendus entre deux hémisphères,
comme autant de spirales de volubilis emportées 
en des révolutions parfaitement uniformes,
douze heures de jour douze heures de nuit,
dans une ronde sidérale,  nous enroulant
                  comme elles  mais dans l'espace total
puisque de ce point de la terre on peut suivre
toutes les constellations des deux hémisphères,
                                    dans ces nuits des origines
où le ciel est parfaitement clair et où je lisais
à livre ouvert sans que les lumières de la ville
                                          ne brouillent ma vue




mais
je n'ai essayé de grimper sur aucune espèce d'haricot
géant comme toi, Jack, ni accédé au monde d'en haut
et par suite,je n'ai rapporté de mes errances
aucun sac d'or, ni de harpe d'or : 
uniquement des souvenirs , c'est-à-dire des mots

plus ou moins enfouis dans la mémoire
 
et qui sont peut-être mon seul trésor,
 
s'il est vrai qu'ils accomplissent ce qu'ils disent
 
         et s'ils sont à leur tour ce que je suis.